Position de Natagora dans le cadre des conflits liés au grand cormoran

Adoptée par le Conseil d’Administration le 27/03/2006

1.- Natagora est consciente de l'intérêt social et économique du secteur de la pêche et de la pisciculture en Région Wallonne, ainsi que des efforts qui sont consentis par certaines associations de pêcheurs pour restaurer des habitats aquatiques plus naturels.

2.- Le Grand Cormoran peut créer des dommages dans le cadre de la pêche récréative, de la pisciculture ou de la pêche commerciale. Les dommages qu'il peut causer ne sont pas seulement de l'ordre de la baisse de la quantité de poisson ou du rendement escompté mais sont aussi liés à l'effet psychologique (par exemple: baisse de la fréquentation par le public d'étangs de pêche récréative à cause de la simple présence des oiseaux).

3.- En Région Wallonne, les dommages causés par le Grand Cormoran sur les populations de poissons en milieu naturel (rivières et étangs) ne sont pas clairement démontrés. Toute action de contrôle du Grand Cormoran dans ces habitats devrait être précédée d'une étude indépendante permettant de faire la lumière sur l'influence réelle de cette espèce.

4.- Natagora est contre toute action létale vis-à-vis du Grand Cormoran, que ce soit dans le cadre d'une régulation des populations à l'échelle régionale ou dans le cadre d'un soutien à un effarouchement local. Les raisons en sont avant tout éthiques, mais de toute façon la destruction de l'espèce n'est pas une solution efficace de résolution des conflits. Les tirs létaux peuvent être remplacées par des techniques non létales dans le cadre d'actions d'effarouchements.

5.- La mise en place de plan de tir ou la délivrance de dérogations autorisant la destruction de l'espèce risquent de constituer de dangereux précédents et d'entraîner des demandes pour d'autres espèces qui, aux yeux de certains groupes de pressions, représentent une source de problème. 

6.- Les dortoirs de Grand Cormoran, à l'exception de ceux qui s'installeraient au niveau d'étangs de pisciculture, devraient être protégés de tout dérangement volontaire. En effet, un dérangement des Grands Cormorans au dortoir ne les éloignent pas nécessairement de leurs zones de pêche et augmente même potentiellement les besoins alimentaires journaliers des oiseaux (augmentation des distances de vol entre le dortoir et les sites de pêche). Le dérangement des dortoirs augmenterait en outre la dispersion de ceux-ci et en compliquerait le suivi.

7.- Natagora est favorable à la mise en place, si le besoin s'en fait sentir au niveau local, de techniques d'effarouchement du Grand Cormoran et de protection du poisson, en pisciculture comme en milieu naturel, à condition que ces techniques n'entraînent qu'un effet secondaire limité sur le milieu naturel.

8.- Natagora recommande la mise en place d'un système plus fin de compensation financière par la Région Wallonne, pour les exploitants de pisciculture subissant des dommages par le Grand Cormoran. Ce système prendrait idéalement deux formes:
- Dans le cas de piscicultures intensives et présentant un faible intérêt biologique: octroi de subsides ou de primes pour l'application des techniques non létales de réduction locale des problèmes causés par le Grand Cormoran (mise en place de refuge pour le poissons, d'un effarouchement coordonné…).
- Dans le cas de piscicultures extensives en milieu semi-naturel (ex.: certains sites Natura 2000): compensation accordée pour autant que l'exploitant respecte un cahier des charges à définir suivant les conditions locales, destiné à permettre le maintien ou l'amélioration de l'attrait du site pour la biodiversité. Le cahier des charges devrait être élaboré pour chaque site en concertation entre l'exploitant et le CRNFB, par exemple. 

9.- Natagora soutiendra les initiatives visant à restaurer des écosystèmes aquatiques plus naturels (renaturalisation de certains secteurs de cours d'eau ou de plans d'eau artificiels…) ainsi que les mesures visant à réduire les problèmes d'eutrophisation des eaux de surface. Ce dernier point devrait constituer une priorité d'action pour les autorités.