Position sur le loup

 Adoptée par le Conseil d’Administration le 16 juin 2023

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Résumé : Natagora encourage une coexistence harmonieuse entre l'homme et la nature, le loup y compris, et met en avant la nécessité de réduire les conflits entre l'humanité et la nature.

Le loup connaît une expansion en Europe depuis les années 1990. Cette recolonisation naturelle est entre autres liée à la protection légale de cette espèce par plusieurs directives européennes et la Convention de Berne au niveau international. En Wallonie, sa population croît doucement depuis les années 2010. Le retour de ce grand carnivore offre des avantages écologiques, mais pose des défis pour la cohabitation avec les communautés humaines et les éleveurs en particulier.

Natagora salue la Région wallonne pour la publication du Plan loup, son engagement pour aider cet animal sauvage à retrouver une place dans notre écosystème et à favoriser la coexistence pacifique entre les éleveurs et le loup. Natagora apprécie particulièrement la mise en place de mesures de conservation et de sensibilisation, et la promotion d'alternatives aux clôtures, comme l'utilisation de chiens de protection.

Natagora s'oppose, par contre, à des prélèvements systématiques de loups basés sur des quotas. L'association préconise une approche plus respectueuse de la Directive Habitat, et souligne l'importance de préserver la présence du loup en tant qu'espèce parapluie pour les écosystèmes. L'objectif est de parvenir à ce que le loup puisse circuler, chasser et remplir sa fonction écologique, tout en maintenant une cohabitation apaisée avec les éleveurs et une acceptation générale de la population.

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Le loup fait son retour en Wallonie

Le loup est dans une dynamique de reconquête en Europe. Sa population augmente dans de nombreux pays depuis les années 1990. 

Reboisement, déprise agricole et statut de protection en Europe

Le phénomène de recolonisation du loup est en partie dû à l'augmentation de la surface forestière partout en Europe, ainsi qu'à l'abandon progressif des activités humaines dans certaines régions rurales. Cette reconquête du loup est également due à l’évolution du cadre législatif l’entourant. Le loup est une espèce protégée par plusieurs directives européennes, notamment les directives Habitats et Oiseaux. Ces cadres législatifs imposent, entre autres, aux États membres de :

  • protéger les espèces animales et végétales d'intérêt communautaire et leur habitat. La directive Habitats oblige aussi les États membres à établir des zones de protection spéciales (ZPS) pour les espèces animales comme le loup, et à mettre en place des plans de gestion permettant de garantir la conservation de ces espèces. 
  • veiller à ce que les activités humaines ne nuisent pas à la préservation des habitats naturels des loups.
  • prendre des mesures de protection pour les espèces d'oiseaux menacées et leurs habitats. Ces mesures peuvent bénéficier indirectement aux populations de loups qui partagent ces habitats.

La Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, qui a été ratifiée par les États membres de l'Union européenne, enjoint les États signataires à protéger les espèces animales et végétales menacées, le loup y compris, et à prendre des mesures pour restaurer leur habitat naturel.

Le loup revient en Wallonie

C’est donc naturellement que le loup est revenu en Wallonie au début des années 2010. Depuis lors, sa population augmente régulièrement. Avec des forêts, des milieux ouverts et de faibles densités humaines, certaines régions de Wallonie sont particulièrement propices à l’installation du loup par rapport aux régions limitrophes. La forte densité de proies sauvages, telles que les cerfs et les sangliers, est également favorable, fournissant une source de nourriture potentiellement abondante pour les loups.

Un allié pour la santé des forêts, mais pas uniquement 

La présence d’un super-prédateur protégé en Wallonie favorise la naturalité de nos écosystèmes. Elle peut aussi permettre de répondre à certains problèmes auxquels nos forêts font face comme la surdensité de gibier qui cause des torts à la biodiversité, à l’agriculture et à la sylviculture. Cependant, le retour du loup risque de poser des problèmes de cohabitation avec les communautés humaines et particulièrement les éleveurs. Le loup est susceptible de causer des dégâts aux troupeaux. Des mesures telles que l’installation de clôtures électriques et la formation des bergers, doivent continuer à être mises en place, en collaboration avec les agriculteurs et les éleveurs, pour minimiser les conflits loups/humains. 

Natagora salue le Plan Loup de la Région wallonne

Le gouvernement wallon a pris un ensemble de mesures pour protéger le loup. Il a notamment créé un réseau loup, au sein du Service Public de Wallonie, pour surveiller et évaluer la présence de loups dans la région. La région wallonne a également publié un Plan Loup visant à entourer le retour de cette espèce en Wallonie.

Natagora salue la Région wallonne pour la publication du Plan loup. Son engagement pour aider cet animal sauvage à retrouver une place dans notre écosystème (qui est aussi le sien) et son initiative de concertation avec les associations naturalistes sont particulièrement positifs.

Ce plan représente une avancée cruciale pour favoriser la coexistence et une cohabitation pacifique entre les éleveurs et le loup, qui est une espèce strictement protégée. Natagora apprécie le caractère pragmatique du plan et la vision de conservation et de protection de l’espèce qu’il reflète.

Natagora salue les aspects du Plan Loup qui :

  • œuvrent à mettre en place des mesures de conservation de l’espèce et des mesures visant à privilégier la bonne cohabitation des humains avec l’espèce.
  • visent à organiser la collecte et la validation des données de présence du loup en Wallonie. Mieux comprendre l’espèce permettra de prendre de meilleures décisions quant à sa préservation.
  • encouragent la collaboration transfrontalière entre la Wallonie et les régions limitrophes pour mieux accompagner le suivi, l’étude et la préservation des populations de loups. Le loup se déplace en effet sur de grandes distances par-delà les frontières administratives.
  • encadrent strictement les mesures visant à répondre aux situations problématiques en cas de présence de l’espèce. Cette procédure prévue dans le Plan Loup vise à encourager graduellement l’éloignement d’un individu problématique, de l’effarouchement jusqu’au tir. Pour chaque cas individuel, ce dernier nécessite une dérogation à la Loi sur la Conservation de la Nature, dûment délivrée par l’Inspecteur général du Département de la Nature et des Forêts (DNF). Lorsqu’un effarouchement létal est autorisé, ce dernier pourra uniquement être mis en œuvre par des agents du DNF. Cette procédure stricte permettra de mettre en place des balises claires visant d'une part au respect des règlements environnementaux et à la bonne cohabitation du loup avec les citoyens d’autre part.

Natagora rappelle qu’il est important :

  • d'organiser des échanges réguliers avec les acteurs ruraux, pour que le retour du loup ne se fasse aux dépens de personnes. La cohabitation entre l’homme et le loup est primordiale. Les mesures de sensibilisation des acteurs ruraux et leur implication dans le retour du loup sont cruciales.
  • de promouvoir un large panel de mesures visant la protection temporaire ou durable de troupeaux appartenant tant à des professionnels du secteur qu’à des éleveurs amateurs. L’aide pour la mise en place et l’installation des clôtures électrifiées sont très positives. Cependant, des mesures alternatives à ces clôtures, telles que l’aide pour l’achat et l'entraînement à l’utilisation de chiens de protection, doivent être pensées et favorisées par les autorités. Ces alternatives offrent la possibilité aux éleveurs, n’ayant par exemple pas la possibilité de mettre des barrières, de se prémunir contre les risques de prédation. Natagora attire l’attention sur le fait que la mise en place de clôtures ne doit toutefois pas morceler le territoire du loup en créant des barrières artificielles. Cela aurait un effet négatif sur les comportements naturels et sur la dynamique de population de ces grands carnivores et de beaucoup d’autres espèces.
  • de mettre en œuvre les mesures prévues pour réduire les perturbations dans les zones de présence spécifique du loup, comme les tanières par exemple lors de périodes clées (la reproduction et la naissance des louveteaux). Ce sont des facteurs importants pour garantir une bonne cohabitation entre les humains et le loup.
  • de mettre en place une stratégie de sensibilisation, déployée par une multitude d’acteurs, pour informer la population sur le retour du loup, sur son rôle crucial pour la biodiversité ou encore pour rassurer et endiguer l’image négative qu’il a dans l’imaginaire collectif.
  • de juger et punir, à hauteur de ce qui est indiqué dans la Loi de la Conservation de la Nature, toute action de braconnage, de destruction de terrier, ou tout acte proscrit par la Loi à l’encontre de cette espèce protégée au niveau international, européen et régional. 

Le chien de protection, une alternative tout terrain aux clôtures 

Les chiens de protection des troupeaux, comme les Patou ou les bergers d’Anatolie, sont un des moyens de défense les plus efficaces dont disposent les éleveurs pour minimiser le risque de prédation. Dans des conditions où des clôtures fixes ne peuvent être installées (relief accidenté par exemple) ou si les autres mesures s’avèrent insuffisantes, Natagora et son GT loup sont favorables à l’installation de chiens de protection au sein du troupeau.

Si cette option est étudiée, il faut prendre en compte que les chiens de protection peuvent être des sources de contraintes importantes pour l’éleveur, et ce notamment dans la cohabitation avec les autres usagers et la faune sauvage (risque d’attaque de chien sur les promeneurs, cyclistes). Cela dit, si cette option est envisageable, il convient de mettre en place des mesures adéquates assurant leur efficacité, comme une formation pour les éleveurs ou un encadrement de l’éducation de l’animal, ainsi que d’informer et de sensibiliser la population susceptible d’être en contact avec les chiens de protection.

Non aux prélèvements systématiques basés sur des quotas

Natagora et son GT loup défendent une stratégie de protection du loup en tant qu’espèce, et non en tant qu’individu, dans le respect des législations en vigueur. L'association oeuvre pour la protection de la nature et des espèces qui en font partie, y compris les grands prédateurs.

C’est en cohérence avec la Directive Habitat qui encadre strictement la destruction d’individus sous certaines conditions spécifiques, que nous nous opposons à une politique de prélèvements systématique basés sur des quotas, comme cela peut exister en France. Cette méthode de gestion des loups est souvent inefficace, voire contre-productive ! Ces prélèvements de loups sont en effet problématiques pour plusieurs raisons. La première conséquence est une dégradation du rôle fonctionnel que jouent les loups dans les écosystèmes. Le bouleversement de la stabilité sociale, en réduisant la taille des groupes ou en éliminant potentiellement les individus les plus expérimentés, peut conduire un individu ou un groupe de loups à chasser des proies plus faciles à attraper, comme les animaux d’élevage. De plus, en dégradant la stabilité du groupe social, les tirs de loups favorisent la dispersion de jeunes loups isolés. Ceux-ci sont les plus à même de se rapprocher des zones peuplées par les humains.

Dans une situation exceptionnelle, nous pensons que face à un individu trop problématique, qui déjouerait les moyens de protection et commettrait de nombreuses prédations sur les troupeaux, le tir de défense létal visant l’individu en question peut être envisagé, en dernier recours, dans le respect de la Directive Habitat et dans le respect des mesures préconisées dans le Plan Loup

Conclusion

La présence du loup en Wallonie est indéniable. Son retour constitue une petite victoire dans le climat général d’effondrement de la biodiversité en Europe et en Wallonie. Cette espèce emblématique, disparue de nos territoires depuis des années, joue un rôle crucial dans le bon fonctionnement des écosystèmes. D’un point de vue purement écologique, il joue un rôle de super-prédateur qui n’est rempli par aucune autre espèce. Et en tant qu’espèce emblématique, il participe à sensibiliser les citoyens à la beauté et la fragilité de la nature. 

Le défi est de protéger cette espèce dans le contexte spécifique de la Wallonie. L'enjeu est de parvenir à permettre aux loups de circuler, de chasser et de remplir leur fonction écologique en réduisant au maximum les conflits pour permettre une cohabitation apaisée avec les éleveurs et une acceptation générale de la population. C’est sur base de ce constat que Natagora et son Groupe de Travail Loup œuvrent pour une coexistence sereine entre l’homme et le loup, en participant en particulier à la protection des troupeaux et à la sensibilisation des citoyens. Notre approche est fondée sur le dialogue et cherche à mettre en contact les spécialistes, les gens de terrain, les éleveurs, les habitants, les politiques… afin qu’ensemble, nous puissions unir nos forces et nos compétences pour trouver des solutions.