Agir maintenant pour la biodiversité
Grenelle de l’environnement à la sauce wallonne, les ateliers de la biodiversité ont pour but, précise le ministère, de "proposer une série de recommandations, en faveur de la nature et de la prise en compte de la biodiversité dans les politiques, les plans, les pratiques et les projets".
"Un plan pour le moins ambitieux pour clore une législature marquée par la suppression de toute aide à la création de réserves naturelles aux associations, explique Joëlle Huysecom, directrice de la conservation chez Natagora. Malgré ce piètre bilan, nous participerons aux ateliers qui auront lieu dans les mois à venir, en préférant nous imposer comme acteurs plutôt que de boycotter et nous plaindre ensuite."
Pas question, dès lors pour Natagora d’aller y faire de la figuration. La biodiversité est en chute libre et la Wallonie a du pain sur la planche pour inverser le processus. L’association développera donc sept axes de travail lors de ces ateliers.
Les sept axes de travail
1. Doter la Wallonie d’une véritable Stratégie pour la biodiversité, avec des objectifs chiffrés, un calendrier et la mise en place d’un processus d’évaluation périodique. Le Réseau Wallonie Nature ne constitue en rien une stratégie opérationnelle qui permette de rencontrer les réels enjeux face au déclin de la biodiversité.
2. Atteindre 2 % de réserves naturelles dans cinq ans. La communauté scientifique internationale estime qu’il faudrait au moins 5 % d’aires protégées pour parvenir à une conservation suffisante de la faune et de la flore. La Flandre a dépassé les 3 % mais la Wallonie n’est qu’à 1 % !
Natagora demande que la Wallonie se réveille en se dotant d’un plan d’action ambitieux pour rattraper le retard considérable accumulé ces vingt dernières années. Une première étape réaliste est d’atteindre 2 % de réserves naturelles pour la fin de la prochaine législature, soit 2024.
3. Réduire les effectifs de sangliers de 80%. La Wallonie doit restaurer d'urgence l'équilibre forêt-gibier à l'aide d'un plan d’action contrôlé comprenant notamment une réduction drastique des effectifs, des plans de tirs contraignants, l'arrêt immédiat du nourrissage et un meilleur monitoring des populations de l'espèce et des dégâts. Sans la mise en place de ces mesures, les dégâts aux habitats naturels et aux espèces, et notamment dans les réserves naturelles, ne pourront que continuer.
4. Mettre en place 10 % de structure écologique dans les milieux agricoles. Natagora souhaite que la Wallonie définisse des objectifs clairs et ambitieux pour les oiseaux des champs et le maillage écologique en zone agricole dans le cadre de son plan stratégique pour la nouvelle politique agricole commune (PAC). Cette dernière offre des opportunités pour le financement d'un tel réseau écologique, tant au niveau des outils existants dans le second pilier (mesures agro-environnementales) que des outils à développer dans le premier pilier (comme les écoschèmes et la conditionnalité renforcée).
5. Restaurer le réseau Natura 2000. Les dernières évaluations de l’état de conservation des habitats naturels et des espèces remarquables au sein du réseau Natura 2000 montrent que celui-ci est globalement en très mauvais état. La Wallonie doit accélérer la restauration de ce réseau de sites qui abrite des espèces précieuses. Des outils de financement existent, notamment via le Fonds LIFE et le Plan wallon de développement rural (PwDR).
6. Soutenir l'agriculture paysanne là où elle existe encore, et accélérer la transition vers une agriculture parcimonieuse en intrants et respectueuse des sols. Les agriculteurs doivent retrouver la fierté de leur métier, tandis que les citoyens doivent pouvoir rémunérer les productions de qualité à leur juste valeur.
7. Rendre les schémas et plans relevant de l’urbanisme cohérents avec les enjeux de biodiversité (stratégie biodiversité, réseau écologique, liaisons écologiques…). Les nouveaux outils de développement territorial représentent une opportunité, à saisir tant par les autorités publiques que par les entreprises et citoyens, d'intégrer davantage la prise en compte de la biodiversité dans leurs programmes et projets d'aménagement du territoire.
En intégrant ces recommandations, et sous réserve d’un rapportage impartial auprès du Parlement de Wallonie, ces ateliers insuffleront les bases d’une politique à la hauteur des enjeux de la biodiversité. "Mais ne soyons pas dupes des initiatives de fin de législature, prévient Joëlle Huysecom. Une fois les principes acquis, c’est de moyens dont nous aurons besoin." Natagora devra se montrer très vigilante lors de la mise en place des futures majorités. Sans volonté et sans moyens, les belles intentions resteront des espoirs déçus.