Cigognes noires en route pour l’Afrique : un suivi d'une ampleur inédite en temps réel
Grâce à des balises GPS, une nouvelle génération de cigognes noires nées en Wallonie est surveillée de près par un consortium de scientifiques incluant Natagora. L’initiative, qui fait partie du vaste projet européen LIFE SafeLines4Birds, vise à protéger cette espèce des menaces d’origine anthropique telles que les collisions avec les lignes électriques.
Depuis fin juillet, la migration de 13 jeunes cigognes noires équipées de balises GPS est suivie quotidiennement dans le cadre du LIFE SafeLines4Birds. Ce projet, coordonné par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO France) et dont Natagora est partenaire, a pour objectif de réduire la mortalité des oiseaux causée par les lignes électriques en Belgique, en France et au Portugal. En tout, treize espèces particulièrement impactées par cette problématique sont ciblées.
La cigogne noire est une espèce emblématique des vieilles forêts et des milieux humides de bonne qualité biologique. Elle est réapparue en Wallonie en tant que nicheuse à la fin des années 1980, après une longue période d’extinction régionale. Son retour s’inscrit dans une dynamique de progression de l’espèce vers l’ouest depuis ses bastions du centre de l’Europe, grâce notamment à sa protection stricte et à une amélioration de la qualité de son habitat. En quelques décennies, la population wallonne s’est bien développée, mais elle reste toutefois fragile. Ses effectifs sont faibles (moins de 100 couples nicheurs) et ses exigences en quiétude et qualité d’habitat sont élevées. À cela s’ajoute une mortalité fréquente des individus, surtout des jeunes, d’origine anthropique.
En période de nidification, le domaine vital des cigognes noires est surtout forestier, mais une fois celle-ci terminée, les adultes et les jeunes entreprennent une longue migration, qui les mène généralement jusqu’en Afrique subsaharienne, soit un trajet d’environ 5.000 km. C’est au cours des migrations pré- et post-nuptiales et durant la période de dispersion des jeunes cigognes que les risques de mortalité sont les plus importants, notamment ceux engendrés par les lignes électriques : électrocution et collision avec des câbles.
Pour mieux comprendre et quantifier cette menace, cet été, 13 cigogneaux ont été équipés en Wallonie d’une balise GPS permettant de suivre leur déplacement tout au long de leur vie. Ces balises, équipées de petits capteurs solaires permettant de recharger leur batterie, pèsent moins de 40 g, ce qui est parfaitement supportable pour les cigognes. L’opération délicate de la pose a été assurée par des bagueurs de BeBirds, le centre de Baguage de l’Institut des Sciences Naturelles. Les oiseaux ainsi équipés viennent s’ajouter à de nombreux autres qui l’ont été en France en 2023 et 2024 sous la coordination de la LPO et de l’ACETAM (Programme national de baguage Cigogne noire), toujours dans le cadre du projet LIFE SafeLines4Birds. Au total, près d’une centaine de cigognes participent à cette étude d’une ampleur inédite pour l’espèce !
Grâce à une transmission des données de géolocalisation presque quotidienne via le réseau GSM, un suivi régulier palpitant des cigognes sur leur route de migration a lieu actuellement. Quelques cas déjà survenus en 2023 et 2024 confirment que la mortalité liée au réseau électrique n’est pas négligeable. L’étude des trajets des oiseaux et de la localisation des cas de mortalité va permettre d’identifier les points noirs où une adaptation du réseau doit être réalisée. Outre le focus sur les interactions avec le réseau électrique, les données engrangées grâce aux balises permettent d’en apprendre plus sur cette magnifique espèce, particulièrement discrète.
Parmi toutes les cigognes marquées en France et en Wallonie, la première à être passée en Afrique est née ce printemps dans les cantons de l’est. Elle a franchi le détroit de Gibraltar le 6 septembre, après un périple presque rectiligne de 18 jours à travers la France et l’Espagne. Après avoir pris son envol, cette cigogne avait passé deux bonnes semaines dans sa région natale avant d’entamer sa migration. À l’inverse, deux autres jeunes de cette fratrie ont fait, ensemble, un long déplacement de près de 400 km directement après leur envol, le 28 juillet. Depuis, ils vagabondent dans l’ouest de la France et semblent peu pressés de partir vers le sud. Souhaitons leur bon vent pour la suite du voyage !