Des décisions du Conseil d’État au service de la nature bruxelloise

Publié le jeu 28/11/2024 - 12:19

L'Hippodrome de Boitsfort-Uccle, avec ses 32 hectares au cœur de la Forêt de Soignes, représente un patrimoine naturel, culturel et historique inestimable pour Bruxelles. Malheureusement, malgré de multiples protections juridiques, celui-ci est mis en danger par un projet d’aménagement de parking de plus de 500 places. Le 13 novembre, le Conseil d’Etat a donné raison à Natagora et à un certain nombre d’associations et de citoyens qui demandaient l’abandon du projet.

L'Hippodrome de Boitsfort-Uccle est une zone verte de 32 hectares en Forêt de Soignes. Le site est localisé sur différentes zones d’intérêt (zone forestière, zone de sports et loisirs de plein air, etc) telles que définies par le Plan Régional d'Affectation du Sol, aussi appelé le PRAS. Il est entièrement repris comme zone d'intérêt culturel, historique, esthétique ou d'embellissement (« ZICHEE ») dans ce même PRAS. Le site est aussi intégré à la Zone Spéciale de Conservation n°1 du réseau Natura 2000 bruxellois. Et enfin, l’ensemble de la Forêt de Soignes est un site classé depuis 1959. On aurait pu penser qu’avec un tel millefeuille de statuts de protection, cette zone ne devait pas faire l’objet de la pression immobilière bruxelloise… Et bien non.

Un projet immobilier qui menace l'équilibre du site

Depuis 2017, un groupe d’investisseurs développent sur le site un vaste projet privé. Et depuis lors, Natagora, Bruxelles-Nature, les Amis de la Forêt de Soignes ont participé à différents moments de concertation dans le but de limiter les impacts sur la biodiversité des activités qui allaient se déployer sur le site. Malheureusement, force est de constater que cette concertation comprend d’importantes limites : à plusieurs reprises, des permis sont délivrés, qui sont ensuite heureusement annulés par le Conseil d’Etat.

Depuis 2023, ce sont particulièrement des questions de mobilité qui ont cristallisé le débat. En effet, l’entreprise qui gère le site voulait mettre en place un pôle événementiel, nécessitant d’agrandir l’actuel parking, qui se trouve non seulement en zone forestière, mais également sur une zone de protection de captage d’eau destinée à la consommation humaine.

Les responsables de la demande de permis s’étaient toutefois engagés à poser une membrane pour imperméabiliser le parking et éviter ainsi la pollution du sol et du captage. Cependant, la pose de ce revêtement va bouleverser l’équilibre hydrique de la zone concernée. En plus d’être un désastre écologique, c’est par ailleurs interdit par la législation en vigueur en zone Natura 2000 et en zone de captage d’eau.

Mais en février 2023, c’est l’incompréhension : le gouvernement bruxellois de Rudi Vervoort propose d’adapter le PRAS en modifiant l’affectation de la zone forestière, ce qui laisse le champ libre à l’entreprise privée d’y créer un parking.

En novembre dernier, le Conseil d'État statue en faveur des associations

Afin de préserver la qualité de l’eau et l’intégrité de la zone Natura 2000, les associations, dont Natagora, ont demandé que cette demande de parking soit intégralement refusée. En janvier 2024, le permis est accepté, et les associations interpellent le Conseil d’Etat. En novembre, celui-ci, tant dans ses cours néerlandophones que francophone, a statué (à nouveau) en faveur des citoyens et des collectifs, dont Natagora, contre les projets de parkings et autres aménagements situés à l'hippodrome de Boitsfort.

Pour Natagora, Bruxelles Nature et Les amis de la Forêt de Soignes, depuis le début, le projet n’est pas en phase avec les objectifs écologiques et sociaux de la Forêt de Soignes. En favorisant l’accès automobile, le projet va à l’encontre des efforts pour encourager une mobilité durable et respectueuse des écosystèmes. En outre, l’ajout d’infrastructures comme des accrobranches et chapiteaux risque de dénaturer davantage l’équilibre fragile de ce patrimoine forestier. Que restera-t-il des zones forestières protégées de Bruxelles si l’on autorise de telles constructions ?

Si Natagora se réjouit de cette victoire, elle dresse également un triste constat : depuis juillet 2014, soit depuis dix ans, l’entreprise Drohme exploite ce site de l’hippodrome en toute illégalité, sans jamais disposer de permis valables. Cette occupation du site a déjà entraîné une détérioration significative des qualités environnementales de l’endroit ; comme la prairie en zone ouverte de la forêt, constitutive de sa précieuse lisière. Quels mécanismes pourront encore être mis en place pour restaurer les pertes écologiques ou du moins préserver les qualités écologiques du site ?

En attendant, Natagora continue, avec les autres associations environnementales bruxelloises, à suivre le dossier de près.

 

Photos : Karin Stevens