Edito 80 : les lignes doivent bouger
L’ensemble des arrêtés reconnaissant les sites Natura 2000 wallons est maintenant publié. Natagora s’en réjouit. Les objectifs de gestion sont également disponibles, et nous attendons avec intérêt le prochain rapport d’évaluation. Celui de la période 2007-2012 concluait que plus des 3/4 des habitats étaient en mauvais état de conservation. Il est temps que les lignes bougent.
Natura 2000 n’est pas tout, loin de là. L’avenir de notre patrimoine naturel ne pourra être assuré sans faire bouger d’autres lignes. Natagora les identifie prioritairement dans les milieux agricoles. Le moment est critique, à la fois parce que la régression de la nature sauvage dans ces milieux est catastrophique, mais aussi parce que la prochaine réforme de la Politique Agricole Commune (qui sortira ses effets en 2020) se discute et se prépare maintenant.
Natagora identifie les quatre priorités suivantes :
- la réduction et l’abandon de toute chimie (les pesticides) dans les exploitations agricoles. Pour des questions élémentaires de santé publique, particulièrement celle des agriculteurs, mais aussi pour rendre l’espace agricole à nouveau sain, respirable et accueillant pour la biodiversité. C’est mal parti?: l’expansion de la culture en pomme de terre cette année va mener à un usage plus massif (au moins 10?% d’augmentation) des pesticides en grandes cultures. Le Programme Wallon de Réduction des Pesticides est bien mal engagé?: il doit être reprécisé et amplifié.
- le succès du programme agroenvironnement, incluant notamment les Mesures Agro-Environnementales (MAE), s’essouffle. L’impact global de ces mesures sur la biodiversité reste mitigé. Il est nécessaire de redessiner le concept et de le rendre plus pertinent. Pourquoi ne pas concentrer le programme sur des zones prioritaires, à forte valeur «?globale?» ajoutée, et impliquer la totalité des terres exploitées par une ferme dans un projet agro-environnemental cohérent ?
- la PAC actuelle comprend le concept de Surfaces d’Intérêt écologique. Le Gouvernement wallon l’a vidé de sa substance, y incluant tout et son contraire, et hélas rien de pertinent. Or ce dispositif permettrait de créer un véritable réseau écologique, accueillant pour la biodiversité – c’était d’ailleurs l’objectif de la Commission Européenne.
- et enfin, retrouver des liens cordiaux et négociés entre les propriétaires et les exploitants, et déverrouiller les contraintes du bail à ferme, lesquelles aujourd’hui empêchent de mettre en place des relations nouvelles, basées sur le respect du sol, la qualité des produits et l’accueil de la biodiversité sauvage.
Le cahier de charge de Natagora est ambitieux. Il est à la mesure des enjeux : il faut s’occuper maintenant de la biodiversité en milieux agricoles. Nous sommes persuadés que nous trouverons auprès des agriculteurs et des propriétaires ruraux une écoute attentive et intéressée, et que des actions communes pourront être établies. Je m’en réjouis déjà.
Emmanuel Serusiaux
Président du Conseil d'Administration de Natagora