La loi sur la restauration de la nature devient une réalité, malheureusement imparfaite
D'intenses négociations en trilogue se sont achevées hier soir, le 10 novembre 2023 à Bruxelles. Les négociations entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil ont abouti à un accord politique entre les trois institutions sur la très attendue loi sur la restauration de la nature.
Il est heureux de constater que tous les écosystèmes initialement couverts par la loi sont toujours inclus dans l'accord. Malgré tout, les articles ont été édulcorés par rapport à la proposition originale de la Commission et à la position du Conseil. Il est décevant de voir les nombreuses exemptions incluses dans le texte et la flexibilité accrue concernant les obligations des États membres.
Une victoire négociée
Voici une première réaction de notre partenaire BirdLife International sur les principaux éléments de l'accord :
- Le champ d'application de la restauration terrestre n'a pas été limité aux seuls sites Natura 2000. C’est une bonne chose. Par contre, des dispositions importantes qui pourraient permettre de réduire la superficie à restaurer globalement ont été ajoutées.
- L'obligation de prévenir la détérioration des habitats naturels a été sérieusement affaiblie, ce qui la rend difficile à mettre en œuvre.
- Heureusement, des exigences concrètes visant à accroître la nature sur les terres agricoles et à restaurer les tourbières ont été incluses dans cet accord. La réintroduction de l'article a malheureusement coûté cher dans la négociation. Des concessions importantes ont dû être faites, telles que l'introduction de “freins d'urgence”, c'est-à-dire de la possibilité de suspendre la mise en œuvre de la législation.
Les négociations dites de trilogue ont visiblement été difficiles. Le Conseil et la Commission se sont efforcés de trouver un terrain d'entente avec la position nettement plus faible du Parlement.
Un plaidoyer collectif de longue haleine
Pour rappel, la loi, initialement conçue pour mettre en œuvre des mesures visant à restaurer un minimum de 20 % de la nature de l'UE sur terre, dans les rivières et dans les mers d'ici 2030, est devenue de manière inattendue la cible d'une campagne agressive de désinformation et d'alarmisme menée par le groupe PPE (Parti populaire européen) de Manfred Weber, visant à empêcher que cette loi voit le jour. En conséquence, de nombreux objectifs ont été édulcorés lors de l'adoption de la position du Parlement. De nombreux compromis et concessions ont été faits pour satisfaire toutes les parties concernées, dans l'espoir d'obtenir le soutien des factions les plus conservatrices.
L'appel en faveur d'une loi sur la restauration de la nature a reçu un soutien sans précédent de la part de plus d'un million de citoyens, d'entreprises, de scientifiques et de nombreuses autres parties prenantes. Il est à noter que Natagora, ses membres et ses volontaires ont été particulièrement actifs sur le sujet.
Une affaire à suivre…
L'accord conclu doit maintenant être approuvé par les États membres et faire l'objet d'un vote crucial de la commission de l'environnement du Parlement européen, dans le courant de l'année, où les groupes conservateurs pourraient tenter de torpiller la loi une fois de plus. Si la proposition franchit avec succès ces étapes, elle sera ensuite soumise à un vote final d'approbation lors du vote en séance plénière du Parlement, qui devrait avoir lieu en décembre 2023.
Natagora et tout le réseau international BirdLife appellent maintenant les États membres et le Parlement européen à approuver cet accord de trilogue, et à ne pas retarder les travaux de restauration indispensables qui aideront l'UE à lutter contre la crise du climat et de la nature.