Rapaces : les extraordinaires guetteurs du ciel
La vue perçante des aigles, et plus généralement des rapaces, n’est pas une légende. Fascinantes, ces capacités visuelles exceptionnelles sont en grande partie adaptées à leur façon de se nourrir ou de chasser.
La vision des rapaces est souvent une histoire de superlatifs. Jugez plutôt : leur acuité visuelle est en moyenne deux fois supérieure à celle de l’homme et dépasse également celle des autres oiseaux. Le record étant détenu par le faucon pèlerin (Falco peregrinus). Perché à dix-huit mètres de hauteur, ce faucon est capable de discerner un insecte de quelques millimètres !
Charognards ou prédateurs
Les extraordinaires capacités visuelles des rapaces ne servent pas qu’à briller en société. Elles sont surtout le reflet de leurs comportements et notamment de leurs tactiques de chasse. Elles peuvent donc différer selon les espèces.
Le champ de vision du milan noir (Milvus migrans), qui est essentiellement charognard, est plus large que celui des espèces prédatrices. Cela lui permet de repérer d’éventuelles carcasses sur une surface plus vaste. À l’instar d’autres charognards, le milan noir se distingue des espèces prédatrices par certaines caractéristiques anatomiques au niveau des yeux. Les différences majeures concernent la fovea, une zone de la rétine particulièrement sensible. Là où le milan ne possède qu’une fovea centrale, les rapaces chassant de manière active, comme les aigles, les buses et les faucons, en possèdent deux, une centrale et une temporale. Ces deux zones leur servent à détecter une proie à longue distance puis à se concentrer sur elle avec précision au moment de l’attaque.
Presbytes, pas myopes
D’autres différences visuelles et comportementales distinguent encore les rapaces entre eux. C’est le cas de la faculté d’accommodation, c’est-à-dire la capacité à voir net de plus ou moins près. Les presbytes comprendront de quoi on parle ! Alors que les rapaces diurnes ont besoin d’une excellente vision à toutes les distances et d’une accommodation active et rapide, la vision rapprochée des chouettes et des hiboux est en revanche largement déficiente. Ils compensent ce petit "défaut" en ayant recours à la sensibilité de leurs doigts ou de leurs vibrisses, les plumes raides entourant leur bec, comme système de guidage tactile. Ajoutons que les rapaces nocturnes ont en outre une excellente ouïe, qui leur permet de repérer une proie même dans l’obscurité totale.
Ultraviolets et comportement parental
Certains rapaces, comme le faucon crécerelle (Falco tinnunculus) ou la buse pattue (Buteo lagopus), ont pour leur part développé d’autres aptitudes visuelles : ils ont la capacité de voir le rayonnement ultraviolet émis par les traces d’urine laissées par les campagnols. Ce qui les aide à localiser puis attraper leurs proies. Cette disposition à percevoir les signaux ultraviolets ne semble toutefois pas limitée à ces deux espèces ni à la chasse. Une étude parue en 2010 dans Biology Letters portant sur le petit-duc scops (Otus scops) montre que la cire de leurs plumes reflète les UV dès le plus jeune âge, mais de manière différente selon leur masse corporelle. Appelé "réflectance", ce phénomène influencerait le comportement de nourrissage des parents les poussant à nourrir les oisillons les moins lourds.
L’extraordinaire vision des rapaces n’a donc pas fini de nous étonner. Ses mécanismes sont d’ailleurs loin d’avoir tous été élucidés. De quoi rendre ces oiseaux encore plus fascinants.
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