Position de Natagora sur l'agriculture

Quelles priorités pour enrayer le déclin de la biodiversité en milieux agricoles en Wallonie ?

Adoptée par le Conseil d’Administration le 09/03/2020

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Résumé : L’agriculture productiviste, qui n’est guidée que par la logique des rendements et de la production, a fait son temps. Elle n’est plus durable ni pour les hommes ni pour la planète. Partout la biodiversité est en crise et la situation est particulièrement alarmante dans les milieux agricoles, qui représentent plus de 50% du territoire wallon. Le « contrat social » entre agriculteurs et citoyens doit se réinventer. Les agriculteurs, les acteurs des chaînes alimentaires et les politiques peuvent, ensemble, avec la société civile, redonner du sens à notre alimentation et à notre agriculture. Nous devons rétablir le lien de la fourche à la fourchette, pour offrir des systèmes alimentaires sains pour les consommateurs, durables pour la nature et résilients face aux crises. Nous devons redonner sa place à la nature dans toutes les fermes wallonnes. L’objectif est d’aider les fermes à s’insérer dans le réseau écologique territorial, à maintenir et redéployer le maillage écologique au cœur des parcellaires cultivés, et à accompagner la transition vers des pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité et en particulier vers la sortie des pesticides. Pour ce faire, Natagora a identifié les leviers d’actions prioritaires suivant :

  1. Recentrer la PAC sur la transition et les biens publics que sont le climat et la biodiversité
  2. Accompagner techniquement les agriculteurs dans la transition écologique
  3. Développer et relocaliser les filières et les marchés pour les produits biologiques et agroécologiques, et les produits issus des espaces semi-naturels dans les fermes
  4. Favoriser la transmission des exploitations et l’accès à la terre pour les projets porteurs de transition

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L’agriculture productiviste, qui n’est guidée que par la logique des rendements et de la production, a fait son temps. L’agriculture wallonne fournit aujourd’hui dans son ensemble des aliments sûrs et traçables comme jamais auparavant, en quantité, et cela est au crédit des agriculteurs. Mais elle doit maintenant passer de l’enjeu quantitatif du XXe siècle à l’enjeu qualitatif qui caractérise le XXIe siècle et relever le défi de la transition écologique, central dans la Déclaration de Politique Régionale 2019-2024. En effet, tant la durabilité économique, que sociale et environnementale de l’agriculture est remise en cause. Partout la biodiversité est en crise et la situation est particulièrement alarmante dans les milieux agricoles, qui représentent plus de 50% du territoire wallon. Des fermes disparaissent tous les jours, et notre système alimentaire est vulnérable aux crises qui affectent les marchés mondiaux. Le modèle agricole doit donc se réinventer et répondre aux demandes sociétales urgentes ayant trait à la santé publique, la relocalisation de l’approvisionnement, le bien-être animal, la nature, le climat et d’autres. Avec le Green Deal, un changement de paradigme est à l’œuvre. C’est une opportunité pour une partie du monde agricole de sortir d’un certain déni et d’embrasser l’avenir. 

La situation dramatique de la biodiversité dans les milieux agricoles

De nombreuses études récentes confirment la crise de la biodiversité dans les milieux agricoles wallons. Le rapport 2019 sur la Directive européenne « Habitats »  révèle que plus de 70% des espèces en lien avec l’agriculture sont dans un état de conservation défavorable ; et que la totalité (!) des habitats en lien avec l’agriculture le sont. 17% des habitats prairiaux patrimoniaux ont disparu depuis seulement 6 ans (1) .

Concernant les oiseaux, la situation n’est guère plus réjouissante. Natagora, grâce à son réseau d’observateurs, élabore annuellement l’indice des oiseaux communs des milieux agricoles, le Farmland Bird Index (FBI). Ce dernier montre que, de 1990 à 2018, les espèces liées aux milieux agricoles ont en moyenne perdu 60 % de leurs effectifs. La Belgique présente la pire dégradation annuelle de cet indice en Europe (2). Les oiseaux les plus spécialisés des paysages agricoles ouverts (les oiseaux nichant au sol) sont les plus affectés. Une baisse de 8,4% par an, depuis 2008, est ainsi remarquée pour les cinq espèces suivies (alouette des champs, perdrix grise, bergeronnette printanière, bruant proyer et vanneau huppé). Cette crise, d’autant plus aigüe dans les plaines wallonnes de grandes cultures, s’explique par la quasi-disparition du maillage écologique, et par des pratiques agricoles destructrices pour la biodiversité. Notons que ces chiffres sont concomitants avec la diminution du nombre d’exploitations agricoles de 67% depuis 1990 en Wallonie : la course à l’agrandissement des exploitations (de 21ha à 57ha en moyenne sur la même période) a induit un agrandissement des parcelles et l’uniformisation des paysages.

Les plantes messicoles, telles le coquelicot et le bleuet, vivant dans nos moissons depuis des millénaires, sont décimées par l’usage intensif des pesticides et des engrais azotés dans nos systèmes de culture. Un quart des espèces a déjà quasiment disparu et la moitié est menacée de l’être (3). Les insectes, quant à eux, représentent 80% de toutes les espèces animales wallonnes. Ils ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique, notamment par le contrôle des ravageurs des cultures, la pollinisation et le recyclage de la matière organique. Or, les populations s’écroulent. De récentes études en Allemagne chiffrent le déclin de la biomasse d’insecte à 75% ces 30 dernières années. Là encore, les pratiques culturales destructrices, la disparition du maillage écologique et surtout les pesticides en sont les principales causes.

Par ailleurs, entre 1980 et 2015, la surface des prairies permanentes, véritables réserves de biodiversité et de carbone, a été réduite de 23% en Wallonie (4).  Cette perte nette de surface est essentiellement due, par ordre d’importance, à l’urbanisation, à la conversion de prairies en cultures arables (maïs fourrage, autres céréales et pommes de terre) et à la progression des zones forestières suite à la déprise agricole sur certains sols marginaux.

Répondre aux enjeux de société actuels

Pour comprendre les enjeux du changement de paradigme de « combien produire ? » à « comment produire ? », il est indispensable de balayer le mythe selon lequel il faudrait maintenir, voire d’accroître la production pour nourrir un monde en expansion démographique. En effet, au niveau mondial, 840 millions de personnes souffrent de faim chronique, dont l’immense majorité se situe dans des pays en voie de développement. Et pourtant presque 40% des céréales produites mondialement servent à nourrir du bétail, et non des hommes. Les causes de la faim dans le monde ne se trouvent donc pas dans les quantités d’aliment produites, mais dans l’impossibilité, pour certaines populations, de s’acheter ou de produire sa nourriture.

Tenir le discours qu’il faut exporter pour nourrir le reste du monde peut parfois s’avérer criminel et justifier une concurrence déloyale envers l’agriculture familiale des pays en voie de développement (5). À l’heure actuelle, la Wallonie produit 6,4 fois la quantité de pomme de terres dont elle a besoin, 1,5 fois son besoin en viande bovine, et seulement 33% de son besoin en céréales panifiables (6). Seuls 4% des légumes produits en Wallonie sont vendus frais au consommateur, alors que la Belgique doit massivement importer fruits, légumes, légumineuses (plantes riches en protéines), céréales, viande ovine et divers produits bio. Les marchés sont irrationnellement mondialisés. Les agriculteurs, les acteurs des chaînes alimentaires et les politiques peuvent, ensemble, redonner du sens à notre alimentation et à notre agriculture. Ils doivent retravailler les chaînes d’approvisionnement et rétablir le lien de la fourche à la fourchette, pour offrir des systèmes alimentaires sains pour les consommateurs, durables pour la nature et résilients face aux crises.

Une agriculture nourricière, qui offre de aliments sains et bons à la population

Nourrir la population de manière saine est un véritable défi pour l’agriculture aujourd’hui. En effet, manger sain aujourd’hui signifie manger plus de fruits et légumes, manger frais, moins de viande, moins de sucre, pas de contaminants et notamment pas de pesticide. Or, au contraire, l’agriculture wallonne s’est développée pour répondre à une industrie agroalimentaire qui va à l’opposé de ces besoins (excès de sucre, viande, déficit de légumes frais etc). Des politiques volontaristes sont donc nécessaires pour réorienter les productions et filières, améliorer la traçabilité des produits et la communication sur les modes de production. Les cultures en excédent en Wallonie sont aussi souvent celles qui ont l’impact le plus négatif sur l’environnement (ex : pomme de terre et betterave conventionnels). En parallèle la croissance de la demande de produits frais bio en Wallonie est flagrante puisque les achats ont augmenté de 40% de 2017 à 2018. Ce sont autant de synergies entre biodiversité et nutrition.

Une agriculture qui rémunère équitablement les agriculteurs et crée de l’emploi

À l’heure où les prix des denrées agricoles sont bas et fluctuants dans des marchés mondialisés, produire pour la quantité n’a plus de sens. L’agriculteur est en quête de plus de stabilité pour ses prix. Il a besoin de plus d’autonomie et de pouvoir de décision sur sa place dans la filière et doit pouvoir s’émanciper de la lourdeur bureaucratique du métier. Si les agriculteurs demandent légitimement des changements dans les règles du jeu, il est aussi dans leur intérêt de s’adapter et d’améliorer leurs revenus par des pratiques environnementales innovantes (recours minimaux aux intrants et à la mécanisation pour réduire les coûts par exemple), en recherchant la valeur ajoutée sur les marchés locaux et régionaux et en se diversifiant dans et hors du secteur agricole (services environnementaux, tourisme etc.) pour augmenter leur résilience.

Une agriculture favorable à la biodiversité, qui respecte la nature et le bien-être animal

Le rapport de l’IPBES 2019 est on ne peut plus clair : La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine, et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier. Les agriculteurs ont un rôle particulièrement important à jouer pour répondre à cette crise. En Wallonie ils façonnent de leur activité 40% du territoire. La société attend que l’exploitation agricole se fasse dans le respect des espèces domestiques, sauvages et de la nature en général, qu’elle s’intègre dans le tissu rural et les paysages, et qu’elle contribue au bien-être social et culturel de la population en offrant un cadre de vie agréable et des opportunités touristiques. Un secteur agricole respectueux de la biodiversité doit également réfléchir à son impact outre-mer – notamment lorsqu’il est dépendant de matières premières, comme le soja, qui peuvent être source de destruction des habitats ailleurs et de déforestation importée.

Une agriculture qui prend acte de l’urgence climatique et vise la neutralité carbone

Après l’industrie et les transports, l’agriculture est le 3ème secteur le plus émetteur de gaz à effets de serre (GES) en Wallonie alors qu’elle ne représente que 0,6% du PIB (7). Ces GES proviennent pour 43% environ des émissions de méthane des animaux d’élevage, et pour 39% du dégagement de gaz azoté par les sols agricoles suite à l’utilisation d’engrais. Alors que l’Europe vient de se fixer pour objectif la neutralité carbone en 2050 (via le Green Deal), le secteur agricole doit accompagner la diminution de cheptel en cours, en ligne avec la moindre demande de viande, de façon à contrôler ses effets sur la viabilité économique des élevages et sur les prairies wallonnes, ces dernières étant des clés de voûte pour le climat et la biodiversité. La reterritorialisation de la production et la réduction de l’usage des intrants permettra aussi de réduire les émissions dues au transport des matières, et à la fertilisation des sols agricoles. Enfin, il s’agit pour l’agriculture et le système alimentaire de demain d’être résilient face aux aléas climatiques extrêmes en diversifiant les productions et les activités, en redevenant acteur de la diversité génétique des semences et espèces, et en adaptant ses pratiques dans des écosystèmes fonctionnels et en bonne santé (bon état des sols, de la végétation et des ressources en eau).

En bref, produire moins mais mieux

Ainsi, des convergences entre des impératifs économiques, environnementaux et sociaux existent et doivent être privilégiées. Elles se cristallisent dans la vision d’une agriculture qui produit moins, mais mieux, avec une plus forte valeur ajoutée, plus autonome et plus résiliente, s’inscrivant dans une transition écologique qui réconcilie agriculteurs, naturalistes et citoyens. Plusieurs scénarios macro ont déjà montré la pertinence à l’échelle régionale d’une telle vision. Le scénario de transition vers une agriculture à bas intrants de l’UCL, montre que la baisse de production induite ne menacerait en rien la sécurité alimentaire de la Wallonie, et permettrait même de nourrir la région de Bruxelles Capitale, tout en réduisant considérablement les impacts négatifs sur l’environnement et la santé publique. Le scénario à l’horizon 2050 pour le secteur de l’élevage belge montre également qu’il est tout à fait possible de produire de la viande de manière durable en moindre quantité, tout en répondant aux besoins nutritionnels de la population belge et en divisant par deux les émissions de GES. Au niveau européen les résultats sont similaires (8).

Redonner sa place à la nature, dans chaque ferme

Natagora défend une agriculture familiale, à taille humaine, une agriculture paysanne dans le sens où elle est ancrée dans son « pays », c’est-à-dire son territoire, son paysage et la biodiversité qu’il héberge. Cette agriculture participe à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par tous. Un agriculteur qui souhaite contribuer au rétablissement de la biodiversité en milieux agricoles considèrera son action à au moins trois niveaux : celui de son territoire, à l’échelle de sa ferme, et à l’échelle de la parcelle et de ses pratiques culturales.

A l’échelle du territoire : s’insérer dans les réseaux écologiques

La Structure Écologique Principale (SEP) englobe l'ensemble des zones du territoire wallon ayant un intérêt biologique à l’échelle régionale et européenne. La version toujours provisoire de cette SEP inclut en réalité, pour les ¾, les sites Natura 2000, et pour le reste des sites de grand intérêt biologique (SGIB) non inclus dans Natura 2000. Environ 5.000 agriculteurs wallons sont concernés par la SEP sur leurs exploitations. L’impact des exploitants sur la gestion ou la restauration de cette biodiversité patrimoniale est essentiel. Même si l’on observe de très belles parcelles localement, les habitats et espèces liés aux milieux agricoles sont presque toujours en état de conservation défavorable au niveau régional. Les agriculteurs, s’ils sont bien informés, peuvent changer cette situation, en mobilisant les aides agricoles prévues à cet effet (mesures agro-environnementales p. ex.). Il ne sera d’ailleurs pas possible de ramener cette biodiversité patrimoniale dans un état satisfaisant de conservation sans leur concours.

Au cœur de la ferme : maintenir et redéployer le maillage écologique

La biodiversité a besoin d’un réseau écologique pour subsister. Haies, vergers haute-tige, mares, talus, prairies gérées extensivement, bandes fleuries et herbeuses, et bordures de champ sont autant d’habitats, de sites de nidification, de sources de nourriture et de refuges pour la biodiversité. Ce réseau écologique doit être exempt de pesticides et de fertilisants, et géré dans le temps de façon mécanique ou animale afin de favoriser au maximum la biodiversité. Ces éléments rendent des services essentiels, comme le contrôle de l’érosion et la dépollution des eaux. Ils renforcent les agroécosystèmes, notamment leur résilience face aux aléas climatiques, et fournissent des refuges pour les auxiliaires des cultures. Ils représentent également un potentiel économique à développer et une source de diversification des revenus pour les agriculteurs (MAE, bois-énergie des haies, produits de fauche et pâturage etc.). Ces espaces semi-naturels doivent permettre de re-fractionner le parcellaire agricole, car la taille des parcelles et la longueur de bordures de champ sont tout aussi importants pour le maintien de la biodiversité. En plaine de grandes cultures, seulement 1,3% des surfaces soutient directement la biodiversité (9). Au rythme auquel décroit la biodiversité, une action rapide des politiques et du monde agricole est nécessaire pour redéployer ce maillage écologique.

Vers des pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité, et la sortie des pesticides

Les pratiques agricoles sont la principale cause de l’état de conservation défavorable des habitats et espèces. Notoirement, les pesticides impactent la qualité des eaux et des sols, la biodiversité, les écosystèmes et peuvent se retrouver dans l’alimentation sous forme de résidus. Afin d’évoluer vers des pratiques agricoles favorables à la biodiversité, le bio est actuellement le standard le plus efficace, et à privilégier. Il permet de sortir des pesticides, et repose fréquemment sur une intégration entre cultures et élevage aux nombreuses vertus économiques et environnementales. Les agriculteurs qui ne se convertissent pas à l’agriculture biologique sont cependant soumis, conformément à la réglementation européenne, aux principes de la lutte intégrée qui consiste à n’utiliser les pesticides que lorsqu’il n’y a pas d’alternative efficace, ni dans la prévention (rotations longues, couverture du sol etc.), ni dans la lutte biologique, physique ou mécanique. Or cette réglementation est très peu appliquée – si c’était le cas l’usage des pesticides pourrait être drastiquement réduit en quelques années. Natagora défend ainsi l’agriculture écologiquement intensive telle que promue par le Code Wallon de l’agriculture, qui consiste à minimiser les achats venus de l’extérieur (pesticides, engrais, aliments du bétail, médicaments) et à les remplacer par des services rendus par la nature et la biodiversité. En zone herbagère du Sud de la Wallonie, l’enjeu clé pour la biodiversité est la transition vers des pratiques d’élevage extensives et l’autonomie fourragère. Un agriculteur engagé veillera à maintenir ses prairies de façon permanente en les gérant de manière extensive, sans les labourer. Ainsi la transition écologique de l’agriculture sera permise par une diversité de techniques agroécologiques, y compris l’agriculture biologique, l’agriculture à haute valeur naturelle, le pâturage extensif, l’autonomie fourragère, l’agroforesterie, la lutte intégrée, et, lorsqu’elle tend vers le zéro pesticide, l’agriculture de conservation dont les bénéfices pour la biodiversité des sols sont démontrés.

Pistes pour une transition vers une agriculture respectueuse de l’homme et de la nature

Les barrières à la transition écologique de l’agriculture sont nombreuses et de plus en plus étudiées. Il est nécessaire de les avoir en tête pour concevoir des solutions efficaces et complètes (10). Pour n’en citer que quelques-unes : des agriculteurs peu intéressés, peu enclin à prendre des risques, et qui n’ont pas accès aux solutions techniques nécessaires au changement ; une politique agricole commune (PAC) qui encourage le productivisme et la course à l’agrandissement des exploitations ; des acteurs de filière comme les transformateurs et distributeurs qui font leur loi sur les prix et les pratiques sans égard aux impacts environnementaux ; et le faible renouvellement des générations. Il semble dès lors évident que la transition écologique de l’agriculture doit mobiliser tous les acteurs, de la fourche à la fourchette, du producteur au consomma(c’)teur, ainsi que les politiques et la société civile. Voici les priorités pour Natagora afin de neutraliser les causes principales de chute de la biodiversité en milieu agricole :

1)    Recentrer la PAC sur la transition agroécologique des exploitations et les biens publics que sont le climat et la biodiversité

Cela demandera d’interrompre les subsides néfastes pour l’environnement, et de réorienter progressivement les aides au revenu vers les modes de production nourriciers, écologiques et qui respectent la biodiversité. La PAC peut et doit avoir un rôle déterminant pour enrayer la chute de biodiversité en milieu agricole par le redéploiement du maillage écologique dans les fermes, le maintien, la gestion adéquate et la restauration des prairies. Natagora souhaite que les plans stratégiques PAC répondent concrètement à des objectifs chiffrés européens en matière de neutralité climatique et de réduction drastique d’utilisation des pesticides et de leur toxicité associée (à minima -50% d’ici 2030). La PAC fait l’objet d’une position spécifique de Natagora.

2)    Accompagner techniquement les agriculteurs dans la transition

La priorité doit être de développer et de rendre accessible toutes les techniques agroécologiques ainsi que de fournir des références technico-économiques, y compris sur les systèmes favorables à la biodiversité, pour que les agriculteurs soient informés des conséquences économiques de la transition. Cela suppose que la recherche se focalise sur le développement des alternatives aux pesticides, que l’enseignement agricole soit réformé afin que la transition, les pratiques agroécologiques, la gestion et restauration de la biodiversité s’y inscrivent en cœur, et qu’un conseil agroécologique global et indépendant soit mis en place en Wallonie. La mise en réseau des agriculteurs évoluant sur des trajectoires de transition sera indispensable pour favoriser l’échange de savoirs et les disséminer auprès des agriculteurs conventionnels.

3)    Développer et relocaliser les filières et les marchés pour les produits biologiques et agroécologiques, et les produits issus des espaces semi-naturels dans les fermes

(p. ex le bois énergie issu des haies, la viande issue de races rustiques élevées à l’herbe etc.).

La transition doit être pérennisée à long-terme par les marchés, dans un contexte où les subventions publiques ne sont jamais garanties à long-terme et où des crises comme celle ducoronavirus mettent en exergue le besoin de plus d’autonomie et de résilience pour notre agriculture et note alimentation. Cela passera, pour ne citer que quelques éléments, par le développement des circuits courts, l’investissement coopératif pour rétablir et relocaliser les capacités de transformation et de commercialisation des produits issus de l’agriculture durable, l’amélioration de l’étiquetage et la sensibilisation des consommateurs notamment concernant l’origine et la manière dont sont produites les denrées alimentaires.

4)    Favoriser la transmission des exploitations et l’accès à la terre pour les projets porteurs de transition

Cela demandera entre autres une gestion adéquate des terres publiques, un meilleur suivi et régulation du marché foncier et des baux à ferme, l'appui à des mécanismes alternatifs (ex : coopératives) de mise à disposition des terres, et sur le long-terme la réforme des paiements PAC essentiellement liés aux surfaces.

 

Rédaction : Emmanuelle Beguin (Département politique Natagora), en remerciant pour leur relecture et commentaires Arnaud Laudelout, Thibaut Goret, Jean-Paul Ledant, Thierri Walot et Benjamin Legrain.

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(1) Analyse SWOT Description générale pour concertation des acteurs, version Décembre 2019
(2) Eurostat, changement annuel du FBI de 1990 à 2018
(3) https://www.natagriwal.be/fr/mesures-agro-environnementales/suivi-flore-champs
(4) http://etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/AGRI%202.html
(5) Par exemple au cas bien décrits de la poudre de lait et des poulets d’élevage industriels
(6) https://scenagri.be/quelles-agricultures-wallonnes-aujourdhui-et-en-2050/
(7) Evolution de l’économie agricole et horticole de la Wallonnie, 2020
(8) An agroecological Europe in 2050, Multifunctional agriculture healthy eating, IDDRI (2018)
(9) Estimation par cumul des MAE applicables en plaine, UCL
(10) P. ex. la synthèse de l’UCL sur les freins et leviers à la transition vers moins d’intrants en Région wallonne