Position sur l'énergie photovoltaïque sur surfaces naturelles
5 mars 2021
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Cet avis résulte de la concertation entre les ASBL Natagora, Terre-en-vue, l’APERe et Inter Environnement Wallonie les 10 novembre 2020, le 20 janvier et le 10 février 2021. Il entend proposer une vision conjointe entre des associations travaillant pour la défense de la biodiversité, le développement des énergies renouvelables et d’une agriculture durable.
Le développement du PV sur sol naturel ou sur des plans d’eau en est encore à ses prémices, cette position est une évaluation à un instant T susceptible d’évoluer sur certains aspects en fonction des évolutions futures notamment techniques.
Le contexte
Nos associations ont la volonté de participer à la construction d’une politique énergétique ambitieuse qui met la Wallonie sur une trajectoire 100 % renouvelable en 2050 et maîtrise les impacts négatifs sur l'environnement. Nous croyons que cette transition peut conduire à un maintien voire une augmentation du confort et du bien-être des Wallon.ne.s pour un impact environnemental fortement diminué.
Une meilleure utilisation de l’énergie, autrement dit un engagement fort pour la sobriété et l’efficacité énergétique sont un prérequis à toute transition énergétique. Mais pour couvrir la consommation énergétique "restante", le solaire photovoltaïque sera une pierre angulaire du système énergétique européen et donc Wallon à l’horizon 2050 étant donné son coût, sa maturité technique et son impact environnemental limité et maîtrisé. Il est donc crucial que la Wallonie soutienne un développement rapide de l’électricité photovoltaïque.
Si historiquement, en Wallonie, le photovoltaïque s’est surtout développé sur des toits de logements ou d’entreprises, nous observons un boom des demandes de permis d’urbanisme pour des projets d’installation photovoltaïque sur sol, notamment sur terre agricole ou sur des anciens sites d’activités minières. Dans certains cas, des projets de PV sur sol sont développés en partenariat avec l'autorité publique.1
Cette tendance est poussée par un soutien public qui favorise l’installation de photovoltaïques sur sol par rapport aux autres projets. En effet, le soutien public alloué aux grandes installations photovoltaïques est uniquement calculé sur base de la puissance et non du lieu d’installation (type de sol, usage du sol, proximité de la cabine notamment). Or, il apparaît que les coûts par MWh d’électricité produite sont souvent plus faibles pour des installations sur sol, grâce notamment à des économies d’échelle, ce qui pousse naturellement les promoteurs de parcs vers cette option.
Nous avons besoin d’un développement fort et ambitieux en matière photovoltaïque. Il est cependant nécessaire de bien considérer que cette technologie comporte un assez faible rapport puissance installée/surface au sol, ce qui le rend, chez nous à tout le moins, objectivement impactant en matière d’aménagement du territoire et de compétition sur l’usage des sols. A ce titre, nous remarquons que le cadre réglementaire et législatif n’a pas intégré les spécificités de ce type de projet.
Notre position
Devant ce développement, nous appellons le Gouvernement wallon à fixer certaines balises pour le développement futur des parcs photovoltaïques afin de déterminer les meilleures pratiques de la filière dans un respect de l’environnement.
1. Le parc photovoltaïque doit s’inscrire dans une politique cohérente de territoire
Pour nous, la construction d’un parc photovoltaïque au sol et son dimensionnement devraient être non seulement en ligne avec une transition vers une société plus sobre énergétiquement et tournée vers les énergies renouvelables, mais aussi s’intégrer dans une politique territoriale régionale de long terme notamment pour maximiser les dynamiques de consommation locale de l’électricité produite et s’inscrire dans un usage optimisé des infrastructures de réseau. Les projets doivent notamment s’inscrire dans le cadre des outils de planification locaux et régionaux (SDT, PAEDC, SDC, etc.).
2. Favoriser en priorité l’installation sur bâti existant et sol artificialisé
Nous demandons de prioriser le développement du photovoltaïque sur le bâti existant et les sols artificialisés : bâtiments résidentiels, tertiaires, routes, parkings (industries, PME, TPE, zones logistiques, bâtiments agricoles...) En la matière, l’État, la Région et les collectivités territoriales doivent être exemplaires : les bâtiments publics bien exposés doivent tous être équipés de panneaux photovoltaïques.
L’autoconsommation doit être encouragée notamment pour les entreprises et les collectivités dont la consommation est essentiellement diurne. Nous soulignons que, dans certains cas, la réversibilité des projets photovoltaïques en fait des projets intéressants. C’est le cas des espaces dont l'affectation prévue au plan de secteur ne parvient pas à être mise en oeuvre et plus particulièrement des sites industriels pollués dont la dépollution est impossible dans le contexte économique actuel. Les champs photovoltaïques permettent dès lors aux gestionnaires de valoriser le site, sans devoir dépolluer, et en attendant que les conditions permettent une dépollution à des coûts qui n'entravent pas le développement de l'affectation initialement prévue.
3. Éviter les zones agricoles
Nous considérons que les zones agricoles ont une vocation alimentaire qui ne doit pas être détournée par l’implantation de parcs photovoltaïques. Il apparaît indéniable que les projets photovoltaïques entrent en concurrence directe avec la production alimentaire et l’activité agricole. En effet, la compétition entre les usages de la terre est déjà extrêmement dure et le marché des ventes de terres est totalement dérégulé en Wallonie. Dans ce contexte, ce type de projet vient renforcer la crise de l’accès au foncier que vivent les agriculteurs de trois manières :
- la première en amenant un usage du sol concurrentiel à la fonction agricole supplémentaire ;
- la seconde en risquant de pousser à la hausse les prix des terres agricoles, l’activité de production d’énergie étant largement plus rémunératrice que l’activité agricole. Les achats de terres agricoles à des prix surévalués pour implanter de tels projets de production d’énergie feront immanquablement tache d’huile en se répercutant sur un accroissement généralisé des prix des terres agricoles au détriment des agriculteurs eux-mêmes ;
- la troisième en verrouillant encore un peu plus l’accès à la terre pour les jeunes agriculteurs dès lors que la production d’énergie photovoltaïque offre aux agriculteurs en fin de carrière une diversification non-nourricière supplémentaire. Celle-ci encourage le modèle de l’agriculture de rente après que l’âge de la pension ait été atteint, avec pour effet la rétention des surfaces agricoles. Cette pression s’exerce en outre principalement sur des surfaces de prairies permanentes et de pâtures, alors même que ce sont celles qui offrent le plus d'intérêt pour la biodiversité et le piégeage du carbone.
En conséquence, nous estimons que, sauf cas particulier, notamment si le promoteur démontre que le projet est mis au service d’une activité agricole durable, aucun parc photovoltaïque au sol ne doit s’implanter sur ces zones.
4. Éviter les zones d’intérêt biologique
Si les zones sous statut de protection fort (réserve naturelle ou zone humide d'intérêt biologique) sont par essence incompatibles avec la présence d’un champ de panneaux photovoltaïques, d’autres sites comportent également des habitats et/ou des espèces protégées. C'est le cas des sites Natura 2000 et des sites de grand intérêt biologique (SGIB). Dans le cadre de la lutte contre l'artificialisation des terres, les zones forestières ne sont à priori pas non plus des milieux propices à l'implantation de parcs photovoltaïques.
De manière plus générale, nous constatons que la présence de transformateur statique relié à une installation électrique d’une puissance nominale égale ou supérieure à 1.500 kVA doit formellement être couverte par un permis d'environnement de classe 2. Toutefois, afin de garantir la qualité de la notice d’évaluation des incidences réalisées dans ce cadre, nous demandons que celle-ci soit systématiquement réalisée par un auteur d’étude agréé. En effet, une analyse approfondie préalable de la qualité du milieu biologique et de la localisation d’un tel projet de grande ampleur par rapport au réseau écologique existant est fondamentale pour concilier les objectifs climatiques et de conservation de la biodiversité. Il est important également de s’assurer qu’il n’engendrera pas une destruction d’habitat d’intérêt biologique ou une fragmentation des habitats naturels.
Plusieurs éléments méritent d’être analysés par l’auteur agréé dans le cadre d’une évaluation environnementale : le type de clôture, le maintien ou non de certains habitats pour permettre une meilleure continuité localement, les mesures de prévention sur les espèces sensibles ou les espèces exotiques envahissantes, l’impact sur le paysage et l’activité agricole.
5. La multifonctionnalité doit être favorisée
La production photovoltaïque est compatible avec de nombreuses autres activités. Afin de limiter l'artificialisation additionnelle de sols, la combinaison de plusieurs activités peut souvent être envisagée notamment : dépollution des sols, apiculture, maraîchage (serres équipées PV) ou toutes autres activités compatibles avec la présence de panneaux au sol dans un espace clôturé. Il convient donc d’étudier toutes les possibilités de cumuler production d’électricité photovoltaïque avec une autre activité sur un même site. Nous constatons que plusieurs projets pilotes allant dans ce sens existent actuellement2. Ces recherches et initiatives doivent être encouragées pour analyser les bénéfices/inconvénients des différentes formules.
6. Pondérer le niveau de soutien par des critères de localisation
Actuellement, les projets photovoltaïques sur surface naturelle demeurent plus attractifs financièrement par rapport à ceux développés sur surface artificialisée, en contradiction avec les balises 2-3-4. Nous appelons dès lors le Gouvernement et le régulateur à envisager l’intégration d’un critère de localisation dans le calcul du niveau de soutien. Concrètement, nous proposons que le kEco qui fixe le niveau de soutien pour les parcs photovoltaïques inclue un facteur qui soutien beaucoup plus fortement les sites déjà urbanisés et décourage les projets sur les surfaces agricoles et naturelles (voir point 3 et 4).
Pareillement, un facteur favorisant les projets qui s’inscrivent dans une volonté d’optimiser les réseaux existants (comme par exemple la proximité de la cabine, une consommation locale) peut également être envisagé.
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1 Comme le Ministre Henry le stipulait en Commission énergie le 10 décembre 2020 : "BE FIN a déjà plusieurs contacts étroits avec certains porteurs de projets, surtout dans le développement de photovoltaïque industriel."
2 Au moment d’écrire cette position, voilà quelques initiatives intéressantes : Des exploitants agricoles s’équipant de PV, des projets de recouvrements d’infrastructures tels celui-ci ou de recouvrement de parkings, notamment à Courcelles.