Attaques sans précédent contre les ONG dans l'UE

Publié le lun 07/04/2025 - 14:01

Nous appelons toutes les forces démocratiques à agir 

Les organisations de la société civile (OSC) européennes sont actuellement confrontées à une attaque sans précédent de la part de certains membres du Parlement européen. Cette attaque, menée par certains députés européens du Parti populaire européen (PPE) et par des groupes d'extrême droite, est alimentée par la désinformation. Elle recourt à des arguments trompeurs pour fabriquer artificiellement un scandale, et est relayée et amplifiée par des articles de presse mal informés. À l'heure où les valeurs démocratiques sont affaiblies dans l'UE et  l'ensemble des États membres, et où les acteurs civiques qui défendent ces valeurs sont de plus en plus attaqués, cette nouvelle offensive contre le financement des OSC et contre notre légitimité dans le processus démocratique risque non seulement de réduire encore l’espace civique en Europe, mais aussi d'affaiblir la démocratie dans son ensemble.

Désinformation de la part de membres élus du Parlement

Le 22 janvier 2025, certains députés européens ont mené un débat en séance plénière du Parlement européen (PE) visant le financement public des ONG, et notamment des organisations dans le domaine de l’environnement qui reçoivent des subventions de fonctionnement dans le cadre du programme LIFE. Le débat a remis en question la légitimité des OSC à recevoir de telles subventions de la Commission européenne pour mener à bien leurs missions d’intérêt général. De nombreux députés se sont exprimés en faveur du droit des organisations de citoyens à s'engager dans le processus démocratique. Néanmoins, certains d'entre eux ont fait des amalgames, suggérant que ces organisations avaient été payées par la Commission pour faire du lobbying en son nom auprès du Parlement européen. Ce faux récit réunit les opposants au Pacte vert  européen et les adeptes de la théorie du complot. Les députés ont évoqué à tort des montants fictifs de milliards d'euros versés aux OSC. Ils ont affirmé à tort que les OSC ne se soumettaient pas au registre européen de la transparence. Bien au contraire, les mesures de transparence de l'UE sont le résultat de campagnes menées par la société civile et que les OSC ont été parmi les premières à les appliquer après leur entrée en vigueur. 

Pourquoi les ONG devraient-elles recevoir des fonds publics ?

Les attaques actuelles visent le programme LIFE de l'UE, le principal instrument de financement pour la conservation de la nature et l'action climatique. Il s'élève à environ 700 millions d'euros par an. Dans le cadre de ce programme, la Commission européenne alloue chaque année 15,6 millions d'euros à un certain nombre d'ONG environnementales, conformément aux dispositions convenues par le Parlement européen et les États membres de l'UE à l'issue d'une procédure concurrentielle et ouverte. Ces montants viennent soutenir le rôle crucial de la société civile, qui consiste à fournir aux décideurs politiques des recommandations fondées sur des données probantes, scientifiquement étayées et constructives sur les questions qui intéressent les citoyens.

Ces fonds sont déjà nettement insuffisants pour poursuivre les objectifs qu'ils sont censés soutenir : créer des conditions de représentation d'intérêts équitables et pluralistes, en aidant les décideurs politiques à accéder aux informations, aux données factuelles et aux meilleures pratiques sur le terrain ; et connaître les besoins et les attentes des citoyens en matière de santé et de bien-être, d'inclusion sociale et d'égalité, de droits et de justice, de promotion de l'État de droit, de lutte contre la corruption et d'un environnement sain pour les générations actuelles et futures. Des millions de citoyens soutiennent ces contributions aux politiques de l'UE, par l'intermédiaire des organisations nationales et locales auxquelles elles adhèrent et par leur engagement bénévole sur les territoires, à travers la prestation de services pour l'accès aux droits pour tous, notamment les plus vulnérables et les exclus.

Une société civile forte doit s’appuyer sur un cadre structuré de dialogue civil basé sur l'article 11 du TUE, et cela est une priorité des institutions de l'UE pour les cinq prochaines années. Il est essentiel que les organisations de la société civile disposent de ressources suffisantes pour s'engager dans ce dialogue, en impliquant leurs membres dans toute l'Europe. Dans l'UE, comme dans toute démocratie, le financement public est nécessaire pour soutenir le travail des organisations de la société civile dont la mission et les objectifs renforcent les valeurs inscrites dans les traités et la Charte des droits fondamentaux.

Les régimes autoritaires considèrent que les institutions n’ont pas besoin de corps intermédiaires pour leur fonctionnement démocratique, et que les citoyens seraient uniquement représentés par le(s) dirigeant(s) qu'ils ont élu(s). En effet, le débat actuel illustre la confrontation en cours entre les valeurs européennes et les perspectives autocratiques.

Nous appelons toutes les forces démocratiques à s'opposer aux faux récits et à la désinformation concernant les organisations de la société civile, à défendre notre rôle unique dans la démocratie européenne et à soutenir le financement public de la société civile. La participation civique est un pilier essentiel de nos valeurs européennes communes. Nous appelons les décideurs à garantir un cadre juridique solide dans lequel la société civile et les organisations de citoyens peuvent mener leurs actions et jouer leur rôle d’interlocutrices  avec les décideurs politiques afin que les  décisions et politiques publiques soient mieux informées. La démocratie repose sur le droit des citoyens à se faire entendre collectivement pour construire une société inclusive et un avenir européen partagé. Cela passe par le financement approprié des organisations de la société civile indépendantes qui sont un outil formidable au service de la démocratie.


 

Photos : Civil Society Europe