La biodiversité consacrée par le Conseil d’État
Le combat que mènent Natagora et Plaine de vie contre l’installation d’éoliennes dans la plaine de Boneffe est un véritable feuilleton juridique. Pour la quatrième fois en sept ans, le Conseil d’État vient d’annuler un permis ministériel accordé à Eneco. Cet arrêt constitue cependant une première en droit belge, vu que toute son argumentation repose sur la protection de la biodiversité. En effet, le Conseil d’État a estimé que le permis octroyé ne tenait pas suffisamment compte des avis défavorables émis depuis 2010 par le Département Nature et Forêts de la Région Wallonne (DNF), le CWEDD (Conseil Wallon de l’Environnement pour le Développement Durable), le Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA) et Natagora.
Deux principaux éléments sont soulevés dans cet arrêt. D’une part, le fait que l’auteur de l’étude d’incidence, dans son analyse des sites alternatifs au projet, n’a pas intégré le critère de l’impact sur l’avifaune. Il n’est donc pas possible de savoir si l’impact sur l’avifaune ne serait pas moindre sur les sites alternatifs. Cette objection avait d’ailleurs déjà été relevée dès 2010 par Natagora.
D’autre part, le Conseil d’État estime que les arguments apportés pour justifier le développement d’éoliennes dans la plaine de Boneffe (l’idée que la position du DNF serait dogmatique, la diminution du nombre d’éoliennes ou l’idée qu’il serait vain de vouloir sauvegarder quelques plaines en Wallonie alors qu’il en existe de bien plus belles au-delà de nos frontières) sont insuffisants et inadéquats. Au contraire, il considère que la position défendue par le DNF est un avis renouvelé et étayé par une analyse scientifique, que la diminution du nombre d’éoliennes n’est pas de nature à rendre à la plaine de Boneffe son aspect original d’openfield, que l’interdiction d’extension n’offre aucune garantie. Ou il rejette encore l’argument selon lequel le succès reproducteur du busard cendré pourrait être maintenu hors frontière, la Wallonie s’étant engagée à mettre en place des mesures pour la conservation de cet oiseau d’intérêt communautaire, tout comme pour le pluvier doré.
Est-il étonnant de voir Natagora mener devant la justice un projet d’éoliennes ? Joëlle Piraux, chargée de l’aménagement du territoire chez Natagora explique : "Natagora soutient une politique de diminution des énergies fossiles au profit du renouvelable. Cependant, mal implanté, l’éolien peut avoir un impact non négligeable sur la biodiversité. C’est le cas, notamment, pour les oiseaux typiques des plaines agraires (en particulier vanneaux et pluviers). En effet, ces espèces sont liées à l’échelle paysagère du site : grande plaine ouverte, absence d'éléments verticaux. Comme il n’est pas possible de recréer ces paysages d’openfield ailleurs, aucune mesure ne pourrait compenser l’impact de l’implantation d’un champ d’éoliennes sur un site comme Boneffe."
Aujourd'hui, toutes les plus belles plaines agricoles de Wallonie voient leur caractère ouvert menacé par un projet éolien. Pour de nombreuses espèces, il est donc indispensable de disposer d’une stratégie wallonne qui définit les plaines qui seront préservées pour des raisons de biodiversité. C’est pour Natagora la seule façon de pouvoir concilier développement des énergies renouvelables et respect des engagements européens de lutte contre la perte de biodiversité.
L’argumentation développée par le Conseil d’État dans son arrêt a donc un caractère profondément novateur et augure du meilleur pour la protection à long terme de la biodiversité en Belgique. Natagora et Plaine de vie, confortés dans leur position, resteront donc particulièrement attentives aux suites données au dossier.