Le ministre Borsus attaque Natagora, mais pourquoi ?
En pleine mobilisation paysanne, alors que Natagora rappelle sa solidarité et les liens forts qui la lient au monde paysan, nous avons eu la surprise d’être pris pour cible par le Ministre Borsus, sur les plateaux télévisés et en pleine manif, face aux agriculteurs. Et cela pendant qu’à différents niveaux de pouvoir, on sape les mesures environnementales de la PAC. Une tentative de détourner l’attention ?
Dimanche dernier, sur le plateau de RTL-TVI, le Ministre de l’Agriculture Willy Borsus évoque les causes profondes de la crise vécue par le monde agricole en citant la complexité administrative, la pression sur le revenu, un trop grand nombre de normes sanitaires et environnementales, et - accrochez-vous bien - l’action de Natagora ! :
Je me permets un message à l’attention de Natagora, d’autres acquéreurs, de grandes sociétés ; arrêtez d’acheter de la terre pour faire des réserves naturelles ou faire semblant qu’elles sont mises à disposition des agriculteurs. Ce n’est pas le cas.” Et d’ajouter : “beaucoup d’agriculteurs sont confrontés à des acquisitions par Natagora”.
Pour le moins étonnant alors que la Wallonie, malgré les progrès récents, est bien en retard par rapport aux objectifs européens de protection d’espaces naturels auxquels elle s’est engagée. Objectifs auxquels Natagora contribue activement, avec l’aide financière… de la Région wallonne.
2023 a été une année exceptionnelle pour Natagora qui, grâce au fond de relance européen et ses généreux donateurs privés, a augmenté la surface de ses réserves naturelles de 400 hectares dont 92 hectares sont des prairies. Si on se réfère au rapport de l’observatoire du foncier wallon 2022 (les chiffres ne sont pas encore disponibles pour 2023) cela équivaut à moins d’1% des transactions foncières agricoles wallonnes. Et le prix moyen des terres agricoles acquises par Natagora est très largement inférieur à la moyenne en Wallonie : Natagora a le souci constant de ne pas contribuer à la spéculation sur le foncier agricole.
On est donc bien loin de l’image véhiculée par le Ministre Willy Borsus ces derniers jours. Non seulement, Natagora maintient l’usage agricole des prairies qu’elle acquiert et maintient en place les agriculteurs installés, mais en plus, elle contribue à augmenter la surface agricole wallonne.
La raréfaction des terres agricoles wallonnes, du fait de leur concentration ou au profit d’usages tiers, est un enjeu de premier plan. Mais sur la question des causes de cette raréfaction, on pourrait utilement suggérer au Ministre de l’Agriculture Willy Borsus, incidemment aussi en charge de l’Aménagement du Territoire et de l’Économie, de regarder plutôt du côté de l’artificialisation des sols qui ré-augmente en Wallonie depuis trois ans (1 300 hectares en 2022) et toujours à une écrasante majorité au détriment des terres agricoles (lire ici).
Vous l’aurez compris, Natagora fait l’objet d’un faux procès. Une manœuvre politique du Ministre de l’Agriculture destinée à détourner l’attention du positionnement équivoque de son parti sur la question des traités de libre-échange ou encore de sa toute récente décision de faire volte-face sur l’interdiction du nourrissage des sangliers - un virage à 180° qui ne plaira pas à nombre d’agriculteurs. Et pour cause, en 2021, les dégâts agricoles déclarés liés aux sangliers s’élevaient à 900 000 €, rien que pour la Wallonie.
Bref, une balle perdue d’un Ministre qui tire tous azimuts, et n’aide pas les agriculteurs.
La création de réserves naturelles porte-t-elle préjudice aux agriculteurs ?
En Europe, les écosystèmes les plus riches en biodiversité sont les prairies de haute valeur biologique (Dahlström et al., 2013). C’est donc assez logiquement que parmi les terrains acquis par Natagora se trouvent des prairies. Prairies où l’agriculture a été abandonnée pour la plupart et que Natagora restaure et ramène à un usage agricole. Avec des contrats à la clef pour des agriculteurs et une augmentation nette de la surface agricole wallonne.
Les prairies de Natagora sont majoritairement mises à disposition d’agriculteurs indépendants. C’est ainsi que Natagora collabore au quotidien avec plus de 250 agriculteurs, de véritables alliés pour protéger ces habitats de grande importance pour la biodiversité locale.
Il n’est pas rare que des agriculteurs fassent appel à Natagora lorsque, confrontés à un propriétaire qui a décidé de vendre la terre qu’ils exploitent, ils n’ont pas les moyens d’exercer leur droit de préemption. Il arrive aussi que la mise à disposition de terres par Natagora facilite l’installation de jeunes agriculteurs.
