#RestoreNature : une histoire sans fin
Le 25 mars dernier, la loi sur la restauration de la nature aurait dû passer la dernière étape du processus législatif avant sa mise en œuvre. Au lieu de cela, le Conseil des ministres de l'Union européenne (UE), présidé par la Belgique, a choisi de reporter le vote alors qu'il aurait dû être une simple formalité. Ce choix représente un revirement par rapport à l'accord négocié en trilogue, auquel le Conseil avait pourtant pris part et qui avait été approuvé par le Parlement européen.
Pour rappel, la loi sur la restauration de la nature (NRL) avait été proposée par la Commission européenne en 2021. Elle a été l'objet de longues et intenses négociations au sein des institutions, et entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne. Pour beaucoup de citoyens, de scientifiques, et d’ONG, c’est un outil indispensable pour faire face à l’effondrement de la biodiversité et à la crise climatique. La pétition #RestoreNature avait par ailleurs reçu un soutien populaire sans précédent, recueillant plus d’un million de signatures. Le 9 novembre 2023, un accord avait été trouvé en trilogue, c'est-à-dire que le texte a été négocié par Parlement européen, représentant les citoyens européens, le Conseil de l'Union européenne représentant les gouvernements nationaux des États membres de l'UE et la Commission européenne, agissant en tant que médiateur et proposant initialement la législation. Le 27 février 2024, le Parlement européen a adopté le règlement selon les termes de cet accord. Le vote du 25 mars 2024 au Conseil des ministres de l’environnement était la dernière étape pour l’adoption de la NRL et aurait bien dû n’être qu'une formalité.
Le vote a été postposé, mais le sujet a malgré tout été discuté en séance. Selon le rapport de notre partenaire Birdlife Europe, la Commission européenne (représentée par le commissaire Sinkevicius) et 14 États membres* ont fait des déclarations sans équivoque en soutien à la loi sur la restauration de la nature. Ils ont exprimé leurs grandes inquiétudes quant à l'impossibilité de ratifier cet accord. Dans un discours chargé en émotion, le ministre irlandais a particulièrement insisté sur le risque que ce report posait pour la confiance envers le processus législatif européen. La Finlande est restée sur ses positions contre la loi. L’italie et la Hongrie se sont aussi positionnées contre, invoquant les potentiels effets négatifs sur l'agriculture et la sécurité alimentaire. Les autres états tiennent vraisemblablement des positions variées, mais ne se sont pas prononcés publiquement.
La présidence belge s'est quant à elle retrouvée sur la défensive face aux critiques qui affirment que le Premier ministre De Croo ne parle pas au nom de la Belgique lorsqu'il évoque des idées comme la pause environnementale.
La société civile est inquiète
Dans un communiqué de presse publié le 21 mars 2024, Natagora et de nombreuses associations de protection de l'environnement ont publiquement exprimé leurs craintes face à la posture des ministres de certains États membres, dont la Belgique, qui semblaient vouloir instrumentaliser ce vote à des fins partisanes, contre les principes démocratiques. L'objectif semble être de ralentir l'agenda environnemental européen à des fins électorales, en bloquant l'adoption de la loi sur la restauration de la nature. L'incapacité à concrétiser cette loi nuit également à la crédibilité de l'UE et à son rôle de leader dans la mise en œuvre des engagements internationaux visant à lutter contre les crises de la biodiversité et du climat.
Dans cette polémique, la présidence belge n’est pas en reste. Les éventuelles prises de position du Premier Ministre, Alexander De Croo, relayées par plusieurs grands médias belges, suscitent de sérieuses interrogations quant à son engagement envers l'esprit de coalition au sein du gouvernement, la volonté des citoyens et les principes fondamentaux des traités européens.
Par ailleurs, la volonté de la Belgique de s'abstenir lors du vote est à critiquer. Selon le principe du scrutin au conseil des ministres, s'abstenir équivaut en effet à voter contre l'adoption de la loi sur la restauration de la nature. Pour les associations environnementales, dont Natagora en tête, cette position est jugée irresponsable, compte tenu de l'état de dégradation des écosystèmes dans notre pays. Pour relever les défis climatiques et écologiques ainsi que pour contrer l'effondrement de la biodiversité, nous avons besoin de réglementations ambitieuses permettant une transition écologique urgente. La pérennité de nos sociétés passera par la conservation et la restauration de la nature. La qualité de vie des citoyens belges et européens, actuels et futurs, en dépend.
Affaire à suivre !
* Allemagne, Slovénie, Irlande, Tchéquie, Espagne, Estonie, France, Danemark, Portugal, Luxembourg, Lituanie, Croatie, Chypre et Bulgarie