Un gouvernement excitant et de nombreuses questions
Natagora tient avant tout à féliciter le nouveau gouvernement, dont elle connaît bien de nombreux acteurs avec lesquels elle a l’habitude de travailler et souhaite la bienvenue aux nouveaux ministres, dont Céline Tellier, secrétaire générale d’Inter-Environnement Wallonie.
En avant sur la nature, en arrière sur la chasse
Céline Tellier, justement, aura fort à faire avec un programme ambitieux en terme de biodiversité. Un portefeuille crucial à l’heure où la sixième extinction des espèces menace directement la survie des écosystèmes. Natagora salue la volonté d’adopter une stratégie à long terme 2020-2030 et de mettre en œuvre un réseau écologique fonctionnel avec des objectifs chiffrés. Si le chiffre de 4000 kilomètres de haies a fait couler beaucoup d’encre, il est intéressant de le comparer aux 200.000 kilomètres arrachés en Belgique depuis les années 1950. L’intention de donner un cadre juridique au réseau écologique wallon est également novateur, de même que le focus sur la biodiversité agricole.
De gros regrets subsistent cependant sur le volet de la chasse. Malgré l’état peu reluisant avéré de la forêt wallonne, et les risques sanitaires liés à la peste porcine, l’objectif chiffré de réduction de 80% des effectifs de sangliers du précédent gouvernement a disparu. L’interdiction du nourrissage, pourtant réclamée par tous les spécialistes forestiers n’est toujours pas à l’ordre du jour non plus.
Un vocabulaire de transition agricole, un programme moins novateur
Willy Borsus hérite de son côté de l’agriculture et de l’aménagement du territoire. Deux compétences essentielles pour l’ensemble des citoyens. Elles touchent à la biodiversité agricole, en chute libre depuis de nombreuses années, ainsi qu'aux questions climatiques : l’intensification de l’agriculture, la déforestation et la sylviculture sont à l’origine de 24% des gaz à effet de serre sur la planète. Mais également à la qualité de notre assiette, à la sauvegarde du patrimoine naturel ou à l’urbanisation à outrance.
Au niveau agricole, Natagora salue le focus mis sur l’augmentation du bio, le renforcement de l’offre de formation en agriculture durable et en agro-écologie ainsi que le focus sur les circuits courts et la création d’un label wallon intégrant les dimensions environnementales et climatiques.
Le soutien aux filières de l’élevage pour inciter à l’extensification, à l’autonomie fourragère et donc à la limitation de l’importation de soja d’outre-Atlantique est à féliciter également. Globalement on retrouve en de nombreux endroits le vocabulaire de la transition, et c’est un changement de mentalité à souligner. Il faut cependant espérer que le gouvernement ne s’en tiendra pas aux mots.
En effet, si l’accent est fort mis sur l’origine locale des produits, la DPR parle peu de la manière de produire. Un champ de patates local et pulvérisé reste un désastre écologique. De plus, le gouvernement ne se prononce pas sur ses objectifs en termes de place laissée à la nature dans les fermes (% de la SAU). La protection de la biodiversité doit être une préoccupation au sein de chaque exploitation, et ne pas être une exception.
Le soutien à la bio-méthanisation suscite également l’inquiétude puisque cette pratique va de pair avec une forte extension de la culture de maïs, très dommageable pour la biodiversité et l'environnement. Natagora sera particulièrement attentive à ce sujet.
Moins de béton mais peu de transversalité
Au niveau de l’aménagement du territoire, il faut féliciter le désir de diminuer la bétonisation de la Wallonie. La réduction de l’étalement urbain, une des mesures les plus importantes pour la préservation de la biodiversité, va ainsi être analysée par un groupe d’experts qui devra fixer des objectifs. La prise en compte de la biodiversité dans le développement éolien est également à souligner.
Globalement, on peut néanmoins regretter un cloisonnement des différentes matières comme le climat, la biodiversité, l’aménagement du territoire et l’agriculture alors qu’elles sont toutes intimement liées les unes ou autres. On aurait par exemple apprécié la mention du réseau écologique au sein du chapitre aménagement du territoire même si cet aspect est davantage détaillé au sein du chapitre biodiversité.
Bienvenue, donc à ce nouveau gouvernement dont la composition et la déclaration de politique régionale sont aussi excitantes qu’elles posent question. Natagora sera heureuse de partager son expertise sur les questions de biodiversité, d’agriculture et d’aménagement du territoire avec tous ses membres.