L’Europe veut revoir le statut de protection du loup - quelles conséquences en Wallonie ?

Publié le lun 14/10/2024 - 09:20

C’est officiel, les États Membres de l’Union européenne se sont mis d’accord le mercredi 25 septembre pour demander la révision du statut de protection du loup. Retour sur cet événement qui lance un processus politique pouvant se révéler dangereux pour la survie non seulement du loup, mais aussi d’autres espèces pour le moment protégées. 

La Convention de Berne, qu’est-ce que c’est ? 

En 1979, un certain nombre de pays se sont mis d’accord sur le besoin de protéger la vie sauvage et les milieux naturels, et de coopérer pour le faire. Ils ont signé ce qu’on appelle la Convention de Berne, le premier traité international visant à protéger les espèces et leurs habitats. La plupart des premiers pays signataires étaient des pays européens. Depuis 1979, la Convention a été signée par d'autres pays dans le monde pour atteindre 51 pays aujourd’hui. L’Union européenne, en tant qu’Union, a depuis également signé la Convention.

La partie la plus importante de ce document, après les articles régissant la collaboration entre les pays et le fonctionnement de la Convention, sont les annexes : elles listent les espèces protégées et leur statut de protection. Et ce sont précisément ces annexes que l’Europe veut maintenant modifier pour revoir le statut de protection du loup.  

Un statut de protection aux conséquences importantes

Pour le moment, le loup est une espèce “strictement protégée”, selon la Convention de Berne. Ce statut a deux conséquences importantes. La première, c’est qu’il interdit un certain nombre de pratiques, comme la capture et la mise à mort intentionnelles, mais aussi la destruction intentionnelle des sites de reproduction, etc. En d’autres mots, ce statut rend impossible la chasse du loup, à moins de demandes de dérogations spécifiques soigneusement étudiées. 

La deuxième, tout aussi importante, c’est qu’il implique une forme de proactivité des États, par des mesures législatives et réglementaires appropriées pour protéger les espèces concernées. Ce statut a donc permis le déploiement d’efforts pour reconstituer les populations et promouvoir la coexistence entre l’Humain et les grands carnivores. C'est notamment grâce à ces mesures que le loup est revenu naturellement dans beaucoup de pays européens.  

La révision du statut demandée par l’Union européenne ferait passer le loup dans la catégorie d’espèces “protégées”, et plus “strictement protégées”. Ce statut est accompagné d’obligations moins contraignantes, permettant ainsi aux gouvernements de disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour autoriser la chasse du loup.

Cette demande de révision compromet donc des années de travail et d’efforts de conservation, pour une espèce qui favorise la naturalité de nos écosystèmes. De plus, il n’existe aucune base scientifique pour justifier la modification de la législation existante à l’échelle de l’Union Européenne. 

Et la Wallonie, dans tout ça ? 

En Belgique, depuis 2018, et l'installation de la première louve, Naya, dans le Limbourg, la population de loups a augmenté pour atteindre aujourd’hui 4 meutes, installées en Flandre et dans les Hautes Fagnes, soit un nombre très limité. En Wallonie, le loup serait seulement présent sur 3% du territoire. Ce nombre faible d'individus a pour conséquence que le statut de conservation du loup en Wallonie n’est pas encore considéré comme “favorable”. Or, selon les lois européennes actuelles, l’abattage n’est autorisé que dans le cas où l'espèce a atteint un statut de conservation favorable sur le territoire. 

La ministre wallonne de l'agriculture, Anne-Catherine Dalcq l’a elle-même confirmé, en réaction à la décision européenne, via son porte-parole, le 27 septembre: ““Cette décision européenne n’aura pas d’impact sur la situation du loup en Wallonie. Au vu de l’importance du loup pour la santé de nos écosystèmes, cette affirmation de la Ministre est une bonne nouvelle. 

Prochaines étapes

Mais cette décision de l’Union européenne n’en est pas moins inquiétante. En effet, si le Comité permanent de la Convention de Berne valide la demande de révision du statut de protection du loup, l’Union européenne pourra alors également réviser les lois qui régissent actuellement la protection d'autres espèces, ce qui ouvrirait la porte à de potentielles dérives. Le Comité permanent devrait se réunir la semaine du 2 décembre, ou leur décision sera attendue par de nombreux défenseurs de la biodiversité.

Photos : Fanny Carion