A Bruxelles, une pause nécessaire pour protéger les friches

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Une proposition de moratoire sur l’urbanisation de certaines friches a été déposée au Parlement bruxellois. Son objectif : suspendre temporairement les projets immobiliers sur les friches de plus d’un hectare, appartenant à des opérateurs publics régionaux, en attendant la révision du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS). Natagora soutient cette mesure de précaution. Car ce qui est en jeu, c’est la survie d’espaces cruciaux pour la biodiversité... et pour nous.

La biodiversité bruxelloise s’appauvrit. Certaines espèces s'accommodent très bien de l’activité urbaine, mais d’autres, qui dépendent d’habitats devenant rares en ville, déclinent rapidement. Pourtant, chaque espèce a un rôle. Sans fleur, pas d’abeille. Sans abeille, pas de pollinisation. Sans pollinisation, pas de tomate. Et sans tomate… pas de bolognaise. C’est cette diversité d’espèces et d’habitats qui assure l’équilibre des écosystèmes dont nous dépendons.

Le béton avance plus vite que la réglementation

Malheureusement, les sols perméables, compris comme les sols couverts de végétation, les sols nus et les zones d’eau, disparaissent encore trop rapidement sous le béton. Cette artificialisation continue depuis plus de 30 ans en Région bruxelloise, via l’urbanisation, mais aussi la ‘revalorisation’ des friches considérées, à tort, comme un délaissé urbain et une opportunité à bâtir. Grosso modo, chaque mois, l’équivalent de 10 terrains de foot s’effacent sous le béton. Aujourd’hui, plus de la moitié de la Région est imperméabilisée (jusqu’à 57% si on ne comptabilise pas la Forêt de Soignes).

Toutes ces activités entraînent la disparition de certains habitats et la connectivité entre eux. À l’inverse, lorsque les sites à haute valeur biologique sont protégés, on peut voir la biodiversité s’y maintenir pour une très large majorité (pour 94% d’entre eux). Fort heureusement donc, ce déclin n’est donc pas une fatalité.

Un enjeu bien compris par le politique

À première vue, les prises de conscience sur ce sujet ont lieu. À tous les niveaux, les autorités publiques ont compris ces menaces et proposent de les limiter. L’Union européenne a adopté son “zéro artificialisation nette” d'ici à 2050 afin de contenir l’urbanisation. La loi sur la restauration de la nature vise, pour la même échéance, à restaurer les habitats essentiels à la biodiversité, aussi en ville.

La Région bruxelloise entend également poursuivre ces ambitions. Elle s’est ainsi engagée auprès de la Commission européenne à protéger, en partie strictement, un quart de son territoire d’ici à 5 ans pour y assurer le développement de la biodiversité. Le Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) doit, “préserver autant que possible les espaces naturels et perméables de haute valeur biologique ainsi que les sols vivants, et de qualité, [...] favoriser les continuités et les connexions, [...] créer de nouveaux espaces verts dans la partie centrale et dense.”

Une pause pour ne pas tout perdre

Et justement, ce PRAS est en cours de modification en vue de prendre pleinement en compte la nature au sein de notre ville. Mais son adaptation demande du temps. Et pendant que se construit cette nouvelle réglementation, l’urbanisation de la ville, elle, continue sur sa lancée. Il existe donc un risque réel de voir disparaître certains espaces essentiels à la biodiversité que le nouveau PRAS aurait jugé, au contraire, nécessaire de préserver de toute urbanisation.

La proposition d’ordonnance visant à imposer un moratoire à l’urbanisation de certaines friches nous semble donc nécessaire, cohérente, et raisonnable. Nécessaire, parce qu’elle permet  de préserver de l’urbanisation des friches de taille intéressante pour la biodiversité . Elle est cohérente puisqu’elle s’inscrit dans les engagements pris par la Région et au regard du travail entamé d’actualisation du PRAS. Raisonnable puisqu’elle ne vise que les terrains dont la propriété se trouve dans les mains d’opérateurs régionaux et ce, de manière temporaire en attendant que la nouvelle mouture du PRAS entre en vigueur. 

Ce moratoire constitue une mesure de précaution. Une pause nécessaire à la réflexion afin de construire et de garantir réglementairement une trajectoire qui assure la viabilité de la Région. On doit impérativement composer notre ville avec la nature, avec tous ses êtres vivants, humains et non humains. Pour rappel, la survie des premiers dépend des seconds.

Notre publication sur les outils planologiques

Il y a quelques semaines, nous publiions, avec le BRAL, Planifier Bxl Plant, un recueil d'articles sur la planification urbaine. Nous y abordions notamment le sujet du PRAS, et de l'importance du réseau écologique. Tous les articles sont disponibles en ligne. Une autre façon de se pencher dans le sujet fascinant de la planification urbaine.