Golf d’Arlon : climat et biodiversité sacrifiés
En pleine crise climatique et de la biodiversité, alors que les citoyens sont encore tétanisés par le Covid, une enquête publique défraie la chronique. L’objet ? Un golf à arroser joyeusement d’eau et d’engrais, alors que les sécheresses se multiplient, en puisant l’eau dans un joyau de biodiversité lorrain.
Il y a des moments où l’absurdité pousse à quitter ses réserves. Pour Natagora, c’est ainsi un véritable désastre écologique doublé d’une grave inconscience que constitue le projet de golf d’Arlon, pour lequel une très courte enquête publique a lieu en plein (dé)confinement.
L’idée du projet est assez biscornue : édifier un golf en détruisant 46 hectares (!) de zones humides riches en biodiversité et des hectares de landes sèches ; puiser de manière déguisée dans un ruisseau à chabot, qui permet la survie de milieux rares dont la restauration a été financée par les subsides publics européens au sein du camp militaire de Lagland, pour arroser les jolies pelouses dont profiteront quelques privilégiés ; construire un projet à la viabilité douteuse tandis que les autres golfs de la province se portent au plus mal. Le tout en se basant sur un approvisionnement en eau calculé sur les précipitations d’il y a 20 ans dans un ruisseau asséché ces dernières années ; et enfin détruire à long terme les sols en les arrosant lourdement d’engrais (1580kg/ha et par an, excusez du peu…).
Tous ces dégâts assumés, car largement commentés et documentés depuis des mois, ne sont pas juste craints par quelques naturalistes en mal d’orchidées. On parle ici de mettre à mal des législations européennes, belges et wallonnes, de s’attaquer à des espèces protégées et de détruire des habitats naturels menacés. Si on peut presque comprendre la dangereuse insolence des entrepreneurs, peu au fait de l’impact environnemental de leur projet, si le projet passe, c’est l’inconscience des politiques qui fera peur. Plusieurs édiles se sont en effet déjà prononcés positivement sur ce projet. La législature précédente a approuvé volontairement le changement de la zone forestière au plan de secteur. Or, tous les avis naturalistes, qu’ils proviennent d’associations citoyennes, de l’administration des eaux et forêts ou du DEMNA sont catégoriques et se positionnent contre le projet.
Le Camp militaire de Lagland est une petite merveille de biodiversité. Il abrite notamment des zones humides et le projet aura des répercussions importantes sur les tourbières juste en aval, un puit de carbone dont l’assèchement, quasiment programmé par l’édification du golf, conduirait à des diffusions massives de gaz à effet de serre, en plus de détruire la biodiversité, fortement menacée, associée. L’arrosage massif nécessaire au maintien d’une jolie pelouse bien propre, chère aux golfeurs, signe la disparition à court terme des milieux humides dont la restauration a fait l’objet de financements publics. Sur le site même, de nombreuses espèces voient leur survie engagée : criquet à ailes bleues, alouette lulu, scléranthe vivace, céphalanthère à feuilles étroites, cuivré des marais, autant d’espèces qui ont peut-être l’air insignifiantes en soi, mais qui témoignent en fait d’une foisonnante biodiversité qui semble ici peser bien moins que les improbables revenus censés être générés par ce vaste terrain de loisir qui profitera à si peu d’arlonais.
Peu visible en cette période de (dé)confinement, avec un accès quasiment impossible aux dossiers, une enquête publique se déroule en ce moment-même discrètement. Une prise en main citoyenne du dossier est plus que nécessaire afin de ne pas détruire un site riche en biodiversité, ce bien public important à tant d’égards. Natagora rejoint donc l’ObsE, association environnementale locale, et invite à utiliser son système de réponse simplifié à l’enquête publique : https://bit.ly/golfarlon.
Pour plus d’impact, n’hésitez pas à personnaliser votre courrier et, si possible, à expliquer en quoi ce projet vous impacte (si vous êtes de la région, notamment).