Revoir le Code forestier : maintenant une nécessité
En 1990, Natagora a fondé la réserve naturelle du Mont des Pins à Bomalsur-Ourthe (Durbuy). Ce site est exceptionnel : il compte aujourd’hui plus de 24 ha de pelouses calcicoles en très bon état de conservation, avec vingt et une espèces d’orchidées, deux espèces de gentianes, plus de quarante espèces de papillons de jour. Il fait depuis lors l’objet de toutes les attentions et a bénéficié de deux projets LIFE dont celui du "Pays mosan", en cours. Le partenariat avec la Ville de Durbuy et le Département de la Nature et des Forêts (DNF) est une des clés de ce succès.
Au Mont des Pins, nous avons l’opportunité unique de créer une réserve cohérente, en « un seul bloc » et de grande superficie. C’est utile pour la conservation des espèces et pour la gestion, essentiel pour structurer le réseau des aires protégées de pelouses calcaires de la vallée de l’Ourthe et le rendre efficace. Dans ce contexte, une plantation communale de pins d’une dizaine d’hectares, gérée par le DNF et cartographiée comme « forêt indigène de liaison » dans le dossier Natura 2000 transmis à l’Union européenne par la Région wallonne, doit être exploitée.
Dans le plan d’aménagement forestier (PAF) qui nous a été communiqué, il est prévu de replanter des résineux, probablement des pins Douglas américains. Cela serait effectué au nom de l’équilibre feuillus-résineux imposé par le Code forestier, équilibre qui est calculé, non pas au niveau de la Wallonie ou du massif forestier du bassin de l’Ourthe, mais bien au niveau communal. Il faut relire pour le croire.
Natagora n’est en rien opposé à la culture d’arbres en Wallonie, ni à l’exploitation forestière, ni à son développement, bien au contraire. Le bois est une ressource durable et utile, dès lors que son exploitation est bien conduite. Mais, au nom d’une règle rigide du Code forestier, appliquée à la micro-échelle d’un PAF communal, cela n’a aucun sens. La cohérence de l’action publique – et le DNF est bien aussi chargé de conserver la nature – pour le site Natura 2000 du Mont des Pins doit être mise en oeuvre, avec détermination et finesse. La rigidité du Code forestier et l’absurdité de l’application d’une règle dite d’équilibre cinquante-cinquante s’y opposent.
Il est temps de changer cela.
Natagora tient au Code forestier et à sa tenace volonté de gérer durablement le patrimoine forestier public, mais s’il a pour effet de bloquer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, il faut le revoir.
D’autant que nous apprenons aussi qu’il est maintenant possible de vendre des propriétés forestières publiques, comme à Chiny, et que nous déplorons que des initiatives novatrices et associatives (au sens qu’elles mettent un ensemble d’acteurs en réseau) comme Nassonia se heurtent aussi à la règle du Code.
Il est temps que l’espace forestier wallon, à la fois porteur de richesses économiques, produits durables et d’une biodiversité passionnante, puisse entrer dans le XXie siècle, celui du développement durable.
Philippe Funcken
Directeur général de Natagora